OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Publish. Wait. Spray. Spray again http://owni.fr/2010/06/15/publish-wait-spray-spray-again/ http://owni.fr/2010/06/15/publish-wait-spray-spray-again/#comments Tue, 15 Jun 2010 17:46:09 +0000 Bibliobsession http://owni.fr/?p=18811

J’écrivais ça il y a deux ans et c’est toujours vrai : “Tenir un blog est très frustrant ! Pourquoi ?  Parce que cette forme est intrinsèquement centrée sur “le billet le plus récent”.  Les autres disparaissent dans l’abîme des archives... Il faut donc trouver des moyens de naviguer dans la longue traîne des anciens billets. Ceci est d’autant plus important que ce blog traite des bibliothèques, où certes une actualité existe, mais elle n’est pas forcément obsolète très vite… :-)

Il me semble donc essentiel de pouvoir proposer des parcours de lectures dans les divers thèmes que j’ai abordés depuis plus de deux ans. J’ai donc pris le temps de mettre des tags (ou d’indexer pour les puristes, avec une liste validée) pour l’ensemble des 750 articles de bibliobsession (voir ci-contre, le nuage)”. Une autre manière efficace de susciter des parcours est l’utilisation du plugin Linkwithin qui favorise les rebonds à la fin de chaque billet.

Sauf que les tags et les rebonds c’est utile pour une navigation lorsqu’on est déjà sur le site. Or le web d’aujourd’hui est un web des flux, un web en temps réel. Mais qu’est-ce que ce “web en temps réel” peut bien vouloir dire ?

  • Est-ce le fait d’accéder à aux mêmes informations en même temps que d’autres gens ? Non, ça c’est l’audience, le buzz, l’actualité. La fonction de mise à l’agenda propre aux médias existait bien avant le web (inventée en 1972 !). Même si les sources, les outils, les dispositifs et les acteurs changent, la logique d’un champ d’actualités par nature saturé et son corolaire, la fonction d’agenda sont toujours là.
  • Est-ce le fait de pouvoir échanger en temps réel ? Non, ça c’est le clavardage, et c’est pas nouveau. Bon c’est vrai que Twitter a apporté quelque chose de ce point de vue, mais Twitter, ce n’est pas l’ensemble du web…
  • Est-ce le fait de pouvoir d’envoyer en temps réel et en situation de mobilité des informations avec d’autres ? Peut-être, mais je ne vois pas en quoi ce temps qui serait plus réel qu’avant… tout ça ne serait-il qu’un effet de masse ?
  • Est-ce le fait que ces informations soient indexées immédiatement dans les moteurs de recherche ? Peut-être, mais alors pourquoi faire de tout ça une tendance alors qu’il ne s’agit que d’une accélération de quelques heures du passage des robots d’indexation… D’ailleurs, Google (et Bing aussi) a annoncé il y a un moment déjà qu’il indexe Twitter “en temps réel”.
  • Est-ce le fait de publier de l’information sur le web facilement et rapidement ? Non, ça existe depuis que les outils du web 2.0 existent, je vois pas ce que Twitter change par rapport au fait d’appuyer sur le bouton “publier” d’un blog…

Le web en temps réel… pas très clair comme expression ! Mon hypothèse : le “temps réel” du web indique un double sentiment :

  • l’accélération de la vitesse à laquelle s’échange l’information, notamment en situation de mobilité
  • l’accentuation de la pression exercée par le nouveau au détriment de l’ancien

C’est ce qui fait dire à Paul Virilio que nous vivons dans une tyrannie du temps réel (via Narvic) ce qui me semble inutilement catastrophiste et pessimiste (c’est le cas de le dire pour Virilio) là où les technologies sont des pharmaka, c’est à-dire à la fois le poison et le remède et où il nous faut mettre en œuvre une pharmacologie de l’attention. Il nous faut je crois proposer  des sérendipités permettant de mettre en avant des contenus pertinents, des trouvailles, des pépites avec la part de subjectivité que cela comporte, renforcer les signaux faibles que sont les contenus dérivés des fonds des bibliothèques enfermés dans le web caché ou (même combat) dans un web hors flux.

Alors d’où vient cette omniprésence de l’actualité dans les flux ? À mon avis, en grande partie du fait suivant : sur les médias sociaux on assimile trop souvent la publication et la propulsion. Propulser écrit Thierry Crouzet, c’est bien plus que diffuser :

Comment s’y prennent les propulseurs ? Ils se connectent les uns avec les autres. Ils se passent le mot de bouche à oreille. Ils se passent l’info de la main à la main. « On propulse en se connectant. On se connecte en propulsant. » Pour propulser, il faut pouvoir transmettre à des destinataires, être connectés avec eux, être un des fils qui sous-tend le Flux, une ligne de vie. Il ne suffit pas d’injecter des contenus dans le Flux et de les laisser vivre seuls. Ils auraient toutes les chances de se scléroser. Mais pour se connecter, taper sur l’épaule de quelqu’un n’a pas beaucoup d’effet. Mieux vaut lui apporter quelque chose, au moins un bonheur passager. « Tiens, lis ça. C’est absolument génial. »

Un service comme Twitterfeed incite en effet à l’assimilation entre publication et propulsion puisqu’il pousse un flux RSS dans Twitter. Il agrège au flux global des nouveaux items d’un flux RSS, en temps réel. L’analogie est parfois poussée à l’extrême au point que certains abandonnent carrément leur agrégateur au profit du filtre social qu’est Twitter. Diffusion de fils RSS et rediffusion en temps réel de veilles à partir des agrégateurs avec un outil comme ping.fm (Read it, feed it) voilà qui explique que Twitter soit considéré comme le champion du temps réel… au détriment de la longue traîne des contenus.

Pourtant, si l’on accepte de séparer publication et propulsion, la question qui se pose n’est plus seulement comment je m’organise pour publier de l’information fraîche pour la mettre dans le flux, ni même sur quels canaux je dissémine mes contenus, mais bien COMMENT et QUAND je propulse dans les flux des informations pertinentes, éventuellement déjà publiées, pour m’adresser à une audience et engager des conversations.

Mais pourquoi est-ce aussi important important de rester dans le Flux ? Thierry Crouzet écrit :

Collectivement, nos amis forment le comité de rédaction de notre média personnalisé. Par le passé, nous avions tous le même rédacteur en chef. C’est terminé. Plus personne ne lit le même journal. La diversité des propulseurs garantit la diversité des informations qui nous parviennent.

Si l’on ajoute à cela qu’en mars dernier pour la première fois sur une semaine complète Facebook a devancé Google en trafic, devenant ainsi le site web le plus visité aux États-Unis, nous sommes en quelque sorte appelés à devenir des mini-médias à fabriquer notre mise à l’agenda pour le public de nos amis (ou followers).

Il devient dès lors essentiel de désynchroniser publication et propulsion et de proposer des Re-flux, manière de réinjecter des contenus en différé sur le front du temps réel (belle idée non ?). C’est une manière de se jouer de la pression de l’actualité sur le temps réel présent.

Ok c’est bien joli mais comment faire ? Deux écoles existent pour remettre dans le flux (i.e. principalement Twitter et Facebook) d’anciens billets : de manière automatisée, ou pas. Grâce à Fabien (merci !), j’ai découvert ce plugin Wordpress : tweet old post qui permet de propulser vers Twitter un ancien billet de manière automatisée. Voilà l’interface de configuration :

Il est possible de définir l’intervalle de publication, l’âge maximum des billets remis en scène et leur catégorie. Attention, il ne faut pas abuser de ce genre d’outil… au risque de perdre la confiance de vos followers si vous proposez une fréquence trop importante. Il s’agit là d’un subtil équilibre qui vise à provoquer la sérendipité sans tomber dans un recyclage excessif. Ainsi, un tel dispositif ne peut fonctionner que sur un volume de billets importants et l’on pourrait même imaginer de consacrer une catégorie à ces billets re-publiables parce que DEliés (ou déliables) d’une actualité dominante. N’oublions pas non plus qu’il s’agit toujours de concevoir Twitter et Facebook, non pas seulement comme des canaux de diffusion, mais comme des outils interactifs. De manière générale, s’il n’y avait qu’un seul billet incontournable à citer sur les usages professionnels de Twitter, ce serait celui-ci. Loic Hay a publié un intéressant diagramme trouvé chez Useo qui indique bien les différents degrés d’engagements qui peuvent être mis en œuvre :

Si l’on considère qu’une diffusion efficace de contenus rédigés est un préalable indispensable à une stratégie d’engagement permettant de dialoguer avec des utilisateurs, alors il s’agit alors de trouver des outils permettant par exemple de programmer des tweets. Pourtant tous ces outils ne sont pas automatisés et obligent à programmer chaque tweet, ce qui est pour le moins fastidieux. Je n’en ai trouvé aucun qui permette de déterminer les meilleurs intervalles et les meilleurs moments pour pousser des billets en fonction de l’analyse de l’activité des followers donc de la probabilité qu’ils accèdent à l’information… (si vous en connaissez, je suis preneur). L’outil statistique le plus abouti que j’ai trouvé permet bien de savoir QUI vous RT le plus mais pas QUAND : il s’appelle Twoolr. Tout au plus ce logiciel, Tweetadder, permet de programmer des tweets aux heures de fréquentation du réseau. Avec Tweetoclock, vous pourrez savoir pour une personne le meilleur moment pour la contacter.

Alors que les bibliothèques investissent beaucoup de temps à rédiger des contenus sur leurs sites/blogs/univers Netvibes, si elles veulent vraiment construire des audiences et engager des conversations elles doivent travailler AUSSI sur la propulsion des contenus en différé.

Pour ma part, j’ai donc choisi d’utiliser tweet old post et d’indiquer les re-publications avec le tag : #REflux. Testé depuis plusieurs jours, la méthode est efficace et permet de pousser des billets vers le haut de la longue traîne de la consultation de mon site, tout en glanant des commentaires et des RT. Combiné à ping.fm, il est possible d’automatiser une publication simultanée sur Twitter et sur Facebook grâce à l’ajout d’un tag #fb.

Alors que la synchronisation de données les plus récentes dans les nuages est une sorte de Graal, on peut susciter la sérendipité et subvertir la forme même du blog en re-publiant d’anciens billets dans les flux communautaires. Sortir des rails de l’actualité, apporter des pépites, du recul et de la perspective en sérendipité dans le flux voilà pourquoi il me semble qu’il faut différer la propulsion de contenus dans le web du temps réel.

Billet initialement publié sur Bibliobsession ; image CC Flickr Stéfan

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Twitter: un patrimoine superflu(x) ? http://owni.fr/2010/05/12/twitter-un-patrimoine-superflux/ http://owni.fr/2010/05/12/twitter-un-patrimoine-superflux/#comments Wed, 12 May 2010 12:44:25 +0000 Olivier Ertzscheid http://owni.fr/?p=15354 Ce billet – un peu long – vise à étudier une actualité, l’annonce de l’archivage de l’intégralité du service Twitter par la bibliothèque du Congrès (LoC), et à poser un questionnement sur ce que la nature même de ce type d’archivage change dans notre rapport à une mémoire “collective” et peut être même à la mémoire … tout court. Le lecteur est averti que les questions soulevées sont beaucoup plus nombreuses que les réponses apportées. C’est parti :-)

1537. Par un édit en date du 28 décembre 1537, François 1er “invente” le dépôt légal, qui permettra – beaucoup plus tard tout de même – d’assurer un contrôle bibliographique universel.

1996. Les pionniers. Une fondation américaine, l’Internet Archive se lance la première dans une tâche d’allure sysiphéenne, l’archivage d’Internet. Un archivage accessible via la machine à remonter le temps du site, la “wayback machine“. Des milliards de pages web et des millions de documents multi-supports y sont accessibles.

2001. L’éveil. Dans un texte de 2001 lors d’un colloque à la BPI**, alors que l’on évoquait le rôle des bibliothèques à l’heure d’une numérisation dépassant à peine le stade de l’artisanat, on posa l’expression et la problématique de la conservation d’un “patrimoine du temporaire”. Expression à bien y regarder pas si oxymorique que cela.

**Bibliothèque publique d’information (texte collectif), « Babel ou le choix du caviste : la bibliothèque à l’heure du numérique. », in Colloque virtuel « Text-e » de la BPI Georges Pompidou. Année 2001. Hélas plus en ligne … http://www.text-e.org/

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==> Mars 2006. Lancement d’un site de micro-blogging baptisé Twitter. Son principe : la diffusion de messages de 140 caractères. Il rencontrera le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.

==> Février 2010. Twitter “publie” chaque jour plus de 50 millions de “messages”.

==> 4 Mars 2010. Le cap des 10 milliards de tweets est franchi.
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1er août 2006. Le – tardif – réveil. La loi française étend à Internet le principe du dépôt légal. Toutes les bibliothèques s’y mettent avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de transparence.

23 juin 2009 : La BnF donne quelques chiffres sur le dépôt légal Internet depuis 1996 : plus de 13 milliards de fichiers sont disponibles, organisés en collections mais hélas uniquement consultables sur place et avec une accréditation … alors qu’au moins une partie du dépôt légal Internet de la bibliothèque du Congrès est librement accessible et consultable en ligne.

“PATRIMOINE DU TEMPORAIRE”. La mission et le réflexe patrimonial des bibliothèques ou des archives a donc permis de relever le défi posé par le passage massif au numérique. Au-delà des seuls “documents numériques”, la “sphère Internet” est également entrée dans un cycle de préservation à long terme. Il semble aujourd’hui évident pour tout le monde que la préservation d’une “archive de l’Internet” est au moins aussi importante que celle de manuscrits anciens ou des premières traces d’écriture. Il n’est pas inutile de rappeler qu’au tout début des années 2000, en France, ce combat là paraissait encore… très loin d’être gagné ! Mais à l’échelle de l’histoire de la conservation des supports et des savoirs, le patrimoine du temporaire évoqué en 2001 n’aura mis que quelques années à trouver sa justification et son ancrage dans les pratiques de conservation de notre civilisation.

14 avril 2010 : une dépêche AFP tombe, indiquant que la bibliothèque du Congrès (LoC) “accueillerait les milliards de messages postés sur le site de microblogs Twitter depuis son lancement en mars 2006.” L’annonce est simultanément faite sur le blog de la LoC.

PATRIMOINE DU SUPERFLU. Pourquoi archiver la totalité de Twitter ???

Les raisons de cet archivage peuvent être résumées en une phrase, extraite de la Foire Aux Questions mise en ligne très peu de temps après cette annonce par la LoC :

  • The Library of Congress collections include items such as the very first telegram ever sent, by telegraph inventor Samuel F.B. Morse, oral histories from veterans and ordinary citizens, and many other firsthand accounts of history.

Du côté du premier public de cette nouvelle archive numérique, on trouve naturellement des historiens. Historiens pour lesquels :

  • “Most of our sources are written after the fact, mediated by memory — sometimes false memory,” Ms. Taylor said. “And newspapers are mediated by editors. Tweets take you right into the moment in a way that no other sources do. That’s what is so exciting.”

L’article du NYTimes d’où est extraite la citation précédente fait également remonter des avis plus nuancés, notamment au regard des questions de “vie privée”. Pour évacuer d’un seul trait l’ensemble des aspects polémiques autour de cette annonce, précisons que :

  • la LoC n’a rien payé (il s’agit d’un don de la société Twitter)
  • que ne seront légués que les tweets des comptes publics
  • qu’il y aura une barrière de six mois (minimum) entre la date de publication du tweet et son “versement” dans les archives de la LoC pour une exploitation ultérieure.

Sur l’ensemble des questions précédentes, il vous faut à tout prix lire le billet de Lionel Maurel sur le “patrimoine impossible” que représente cet archivage de Twitter.

Mémoires documentaires externalisées. Depuis qu’elles existent, l’ensemble des techniques de “la documentation” ont eu pour objet de rendre d’abord plus efficace/efficiente puis plus massive, systématique et transparente l’externalisation de nos mémoires documentaires. En décidant d’archiver l’ensemble de ce flot conversationnel qu’il faut bien qualifier de mémoire immédiate, la bibliothèque du Congrès fait faire un pas de plus à l’archivistique dans son ensemble. À tout le moins elle en étend le périmètre. A moins qu’elle ne le redéfinisse entièrement.

Pour bien comprendre les “vraies” raisons de cette conservation patrimoniale d’un nouvel ordre, d’une nouvelle nature, il faut lire le rapport final du “Blue Ribbon Task Force on Sustainable Digital Preservation and Access” (= groupe de travail sur les politiques publiques de conservation et d’accès numérique), groupe de travail à l’initiative duquel on trouve la NSF et la fondation Mellon en collaboration avec la Bibliothèque du Congrès, JISC, le CLIR et les Archives nationales US. Je m’en tiendrai aux passages synthétisés et traduits par Jean-Michel Salaün dans son billet “Économie de la conservation numérique” :

  • 1. La demande pour une conservation numérique est une demande dérivée. Autrement dit, la demande n’est pas directe, on ne conserve pas pour conserver, mais pour donner accès à l’avenir à des informations numériques.

C’est bien ce qui s’est produit avec Twitter. La demande n’émane pas des créateurs du service, pas davantage que des usagers de la bibliothèque du Congrès.

  • 2. Les matériaux numériques sont des biens durables dépréciables. Un bien durable dépréciable est quelque chose qui dure longtemps en produisant de la valeur continuellement, mais la qualité et la quantité de cette production peut décliner si des actions ne sont pas engagées pour maintenir la viabilité ou la productivité du bien. (..)

Twitter est certes un bien durable dépréciable… les deux derniers qualificatifs étant directement indexés sur sa capacité à trouver un modèle économique dans les prochains mois.

  • 3. Les biens numériques sont des biens non-rivaux et autorisent les passagers clandestins. Les biens numériques sont des biens non-rivaux, car il suffit qu’un acteur conserve un bien, il l’est pour toute intention ou objectifs conservé pour tous. Dans ces circonstances, l’incitation pour un seul acteur à assumer les coûts de la conservation est affaiblie, puisque les autres pourront profiter gratuitement des bénéfices.

Twitter (la société) peut dès lors légitimement jouer les “passagers clandestins” puisqu’il n’aura pas à assumer le coût de la conservation …

  • 4. La conservation numérique est un processus dynamique qui dépend du chemin suivi. Cette caractéristique est la plus originale et la plus spécifique au numérique et donc la plus intéressante. Dans l’analogique, le processus de conservation venait en fin du cycle de vie du bien, c’est-à-dire à la dernière étape du circuit classique de création-production-diffusion. Dans le numérique, chaque étape peut influer sur le processus de conservation et celui-ci implique des décisions à chaque stade.

Revenons-en maintenant à la question initialement posée : pourquoi archiver la totalité de Twitter ? Aucune bibliothèque n’archive la totalité des sites web produits. Elle effectue un nécessaire travail de sélection : sites des événements sociaux ou politiques marquants (élections par exemple), sites de personnalités publiques importantes, etc., avec une difficulté supplémentaire dès que l’on sort de l’information “institutionnelle” : quels blogs archiver ? Selon quels critères ? En fonction de quels paramètres de choix ?

Il est deux raisons d’être à la science de l’archivistique : l’obligation et le choix. L’obligation d’archiver des supports arrivés à la fin de leur cycle de vie et le choix des “items documentaires” qui, parmi l’ensemble de ces supports en fin de cycle, sont dignes d’intérêt ou recouvrent une certaine “valeur”.

Alors pourquoi archiver la totalité de Twitter quand on peut, dans les blogs, les forums, les sites web individuels, les “murs” Facebook, etc., quand on peut, disais-je, aller puiser partout ailleurs des éléments qui, pour reprendre l’argumentaire de la tribune des historiens dans le NYTimes, ne sont pas encore “médiés” par une activité mémorielle ?

Les trois (vraies ?) raisons. Il y a – à mon avis – trois raisons profondes à l’archivage de la totalité de Twitter ; trois raisons qui ne sont pas inscrites dans la foire aux questions dédiée. Trois raisons auxquelles j’en ajoute subrepticement une quatrième : le buzz :-) La LoC est passée maître dans les stratégies de communication en tout genre et il est clair que cet archivage du service médiatiquement le plus en vue actuellement aura, en termes d’image, de substantielles retombées.

Primo : la simplicité. Il est beaucoup plus simple de prendre, en vrac, la totalité de l’archive twitterienne que de l’investiguer pour y effectuer un travail de sélection en amont. On prend tout et on effectuera plus tard l’indispensable travail de tri pour isoler – par exemple – les tweets des personnalités politiques, tel ce Tweet d’Obama au soir de son élection historique.

Deuxio : le graphe social. L’archive de Twitter ainsi constituée permettra  – à des chercheurs, sociologues, historiens – de reconstituer le graphe relationnel de chaque individu choisi. Ainsi on peut lire dans l’article du NYTimes que :

  • Each message is accompanied by some tidbits of supplemental information, like the number of followers that the author had at the time and how many users the author was following. While Mr. Cohen said it would be useful for a historian to know who the followers and the followed are, this information is not included in the Tweet itself.

Il ne serait donc possible que de compter le nombre de comptes suivis (“following”) ou de comptes suiveurs (“followers”) pour un utilisateur donné. Sauf que. Sauf que c’est oublier un peu vite que le “vrai” graphe relationnel d’un utilisateur est également matérialisé à l’intérieur même de ses tweets, notamment grâce au symbole “@” qui, lorsqu’il est suivi d’un nom d’utilisateur de Twitter, permet de s’adresser à lui directement. Ainsi, en épluchant à l’aide d’un algorithme les “@” de n’importe quel compte Twitter archivé, il est très facile de reconstituer son réseau relationnel, au moins dans son premier cercle de proximité (les gens auxquels on s’adresse le plus et/ou qui s’adressent le plus à nous). Donc c’est bien l’archivage “d’un” graphe social d’une petite partie de l’humanité connectée qui sera ainsi “en mémoire” à la bibliothèque du Congrès. Si ce n’est déjà fait, j’insiste une nouvelle fois pour que vous alliez lire le billet de Lionel Maurel, eu égard aux considérables questions de vie privée ainsi posés … Par ailleurs, comme le démontre ReadWriteWeb, le nombre d’informations “embarquées” dans un tweet n’est pas, loin s’en faut, réductible à une chaîne de 140 caractères …

Tertio : l’archive elle-même. Si la LoC s’intéresse à Twitter, un service qui, à l’échelle du web et indépendamment de son incontestable succès reste encore très jeune (moins de quatre ans d’existence) et dont rien ne permet de dire qu’il sera ou non pérenne sous sa forme actuelle (il peut être racheté, absorbé, décliné de manière radicalement différente à ce qu’il est actuellement, ou bien encore disparaître), si la LoC s’intéresse à Twitter, à la totalité de Twitter, c’est parce dans cette totalité transparaît l’essence même de l’objet documentaire idéal. Twitter comme un parangon de la documentation et de l’archivistique numérique. Voici pourquoi. Twitter a valeur de contexte et d’illustration. Contexte et illustration du monde (réel) dans lequel il s’inscrit et qu’il vient précisément documenter, dont il atteste de chacun des mouvements importants ou accessoires, un monde dont il est le témoignage, la valeur de preuve, la trace mémorielle immédiate. Il est en même temps un objet documentaire suffisant (il se suffit à lui-même, il peut-être analysé pour lui-même) et épuisant (le nombre de possibilités d’exploitations qu’il autorise ne peut être rapidement “épuisé”). Enfin, il est porteur de ramifications identifiables et externalisées : les liens contenus dans les tweets, qui, à leur tour, permettent de documenter à nouveau le cadre énonciatif dans lequel ils s’inscrivent.

Et donc ? Et donc il y a quelque chose que je n’arrive pas exactement à cerner – sinon j’aurai fait un billet beaucoup plus court ;-) -  mais qui me gêne profondément dans cet archivage de Twitter, au-delà même du débat – déjà assez gênant – sur la notion de confidentialité, de vie privée et de droit à l’oubli. “Les collections de la bibliothèque du Congrès regroupent des documents comme le tout premier télégramme envoyé, par l’inventeur du télégraphe Samuel F.B. Morse (…) et plein d’autres documents de première main“. Oui mais le premier télégramme de Samuel Morse n’a rien à voir avec le premier tweet d’Obama. D’abord parce qu’à la différence de l’invention du télégraphe, Twitter n’est pas une rupture technologique. Ensuite parce que la valeur historique du premier télégramme de Samuel Morse lui a été conférée… par l’histoire ! (même s’il est effectivement permis de supposer que Samuel Morse, en l’envoyant, avait conscience du moment historique, mais bon on va pas non plus chipoter, sinon j’arriverai pas à finir ce billet)

CGU du 3ème type. Ne faudrait-il pas désormais modifier en conséquence les CGU (conditions générales d’utilisation) de Twitter ? Mis à part des comptes “privés” (qui ne seront donc pas archivés), la nature d’un compte “public” me semble radicalement changer selon qu’il a vocation à être diffusé “publiquement sur le web” ou bien “conservé six mois après sa publication et accédé indéfiniment dans le cadre des archives de la bibliothèque nationale des États-Unis à des fins d’étude et de recherche“. Si c’est pour être disséqués dans les prochains siècles par des sociologues et historiens en tout genre, je vais peut-être hésiter à deux fois avant de poster des tweets sarcastiques ou graveleux sur l’actualité du Top 14 ou de la coupe d’Europe de rugby …

Par-delà. Imaginez un instant les annonces suivantes. “La bibliothèque du Congrès annonce qu’elle archivera l’intégralité des comptes Facebook”. Ou alors celle là : “La Bibliothèque nationale de France annonce qu’elle archivera l’intégralité des comptes publics FlickR et l’ensemble des photos qui y sont jointes.” Et expliquez-moi en quoi des photos en disent plus sur nous que nos conversations sur Twitter ? Pourtant on peut aisément deviner le tollé que susciteraient de telles annonces.

Avons-nous encore besoin d’archives publiques ? Dans un monde ou le cloud computing grignote le périmètre de l’archivistique, la réponse est naturellement oui. Oui parce que les archives publiques ont une vocation patrimoniale et pérenne qu’aucune société commerciale présente dans les nuages n’acceptera jamais d’assumer et/ou de porter. Oui mais non. Non si l’on se place un instant du côté de l’usager lambda lequel est en permanence connecté à des archives, en permanence connecté à l’archive perpétuelle de sa propre documentation, de ses propres documents, et de ceux des autres, de tous les autres. La question doit peut-être être posée autrement.

Avons-nous encore besoin de construire des archives alors même que nous sommes en permanence immergés dans une archive immédiate, co-construite et suffisamment pérenne à notre échelle individuelle ? :

  • Par archive, j’entends d’abord la masse des choses dites dans une culture, conservées, valorisées, réutilisées, répétées et transformées. Bref toute cette masse verbale qui a été fabriquée par les hommes, investie dans leurs techniques et leurs institutions, et qui est tissée avec leur existence et leur histoire.” Michel Foucault, Sur l’archéologie des sciences (1968)

Mémoires. Cycles courts contre temps longs. Avant, on “déclenchait” un processus d’archivistique documentaire soit au moment ou un document parvenait en fin de cycle de vie, soit au moment ou sa valeur historique était attestée ou signalée comme valant la peine d’être conservée. Avec l’archivage de Twitter, aucune de ces deux conditions n’est remplie. Or si l’on entreprend d’archiver de manière systématique, globale, des silos documentaires avant même qu’ils ne remplissent l’une ou l’autre de ces deux conditions, on risque d’entrer dans un cycle de (re)production mémorielle inédit.

On va produire de la mémoire sur de l’excès au lieu d’en produire pour répondre à un manque. On va créer de la mémoire sur de la mémoire. Alors que depuis des siècles, on avait appris à créer de la mémoire sur de l’oubli. Plus précisément, on avait appris à créer de la mémoire pour pallier l’oubli.

Destin funeste de Funès. Cette mémoire qui n’alimente qu’elle-même, cette hypermnésie dont souffrait le Funès de Borges, à l’échelle des institutions par nature dépositaire de notre mémoire commune, se double d’une autre course folle : celle des individus eux mêmes englués dans des cycles mémoriels à la fois de plus en plus courts, de plus en plus instantanés, mais aussi de plus en plus denses, de plus en plus externalisés, de plus en plus rémanents. Après avoir inventé le droit à l’oubli numérique, le devoir d’inventaire de notre génération d’hypermnésiques compulsifs devra-t-il instaurer un simple droit au vide, un simple droit au non-dit, au non-inscrit, au non-rémanent ? Une législation de l’éphémère pour s’éviter les affres d’un patrimoine du temporaire ?

  • J’ai à moi seul plus de souvenirs que n’en peuvent avoir eu tous les hommes depuis que le monde est monde. Mes rêves sont comme votre veille. Ma mémoire, monsieur, est comme un tas d’ordure. (…) Il avait appris sans effort l’anglais, le français, le portugais, le latin. Je soupçonne cependant qu’il n’était pas très capable de penser. Penser c’est oublier des différences, c’est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funes il n’y avait que des détails, presque immédiats.” Jorge-Luis Borges, Fictions – Funes ou la mémoire – Traduction P. Verdevoye ; Folio.

Le palimpseste interdit. Après les technologies du faire, après celles de l’intelligence, après celles de l’accès, la période actuelle est celle des industries de la capillarité et de la percolation. Industries dont l’archive est le nouveau cheval vapeur. Au-delà même de l’archivage de Twitter par la LoC, l’engrammation permanente risque d’empêcher à terme, le travail mémoriel authentique, lequel s’inscrit nécessairement dans la distance, dans le manque, et, pour partie, dans l’oubli préalable.

Le web se constitue est d’ores et déjà constitué comme un immense paratexte mémoriel que rien n’enfreint et que nul n’autorise ; un immense paratexte mémoriel que rien n’autorise et que nul n’enfreint ; et qui se déroule simplement. Un palimpseste sur lequel tout recouvrement est illusoire tant chaque strate reste indéfiniment accessible à qui le souhaite. La négation même du palimpseste comme recommencement possible.

A cela il me semble qu’il faut être vigilants. Non pour l’interdire, le dénoncer ou alimenter le courant d’un nouveau luddisme mémoriel. Mais pour… s’en souvenir le temps venu. Nos vies, notre mémoire.

Billet initialement publié sur Affordance.info

Illustrations CC Flickr edu_fon ; The Wren Design ; Desmond Kavanaghjurvetson ; grande une Trois Têtes (TT)



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http://owni.fr/2010/05/12/twitter-un-patrimoine-superflux/feed/ 3
“Twitter est une drogue dure pour les journalistes” http://owni.fr/2010/03/16/twitter-est-une-drogue-dure-pour-les-journalistes/ http://owni.fr/2010/03/16/twitter-est-une-drogue-dure-pour-les-journalistes/#comments Tue, 16 Mar 2010 10:33:36 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=10138 Un rail de tweet ? Photo Foxtongue sur Flickr

Un rail de tweet ? Photo Foxtongue sur Flickr

“Est-ce que bloguer c’est tromper ?” : quand Nicolas Celic, lui-même blogueur et grand utilisateur de Twitter m’a proposé une interview tournant autour de cette question à la Thierry Ardisson, j’ai accepté sans hésiter. L’occasion d’expliquer un peu mon travail de journaliste-blogueur et de faire un bilan après six mois d’expérience tout en évoquant l’impact des nouveaux médias sociaux sur mon métier.

Twitter est en train de nous transformer en véritables junkies de l’info, bloguer c’est de l’esclavage consenti… Morceaux choisis de cet échange initialement publié sur le blog SmallTalk de l’agence 3D Communication.

Quel est l’impact des “nouveaux médias” (blogs, Twitter, agrégateurs etc…) sur vos habitudes de journaliste ?

L’explosion des médias sociaux et l’avènement de l’Internet temps réel c’est avant tout une formidable accélération pour les journalistes : nous sommes soumis à une avalanche d’infos… ou d’intox qu’il faut analyser, hiérarchiser, classer, décider de traiter ou non. Avec Facebook, Twitter, les blogs tout le monde devient producteur ou relais d’informations : notre métier c’est plus que jamais faire le filtre, le médiateur pour raconter la bonne histoire, interagir avec les lecteurs qui risquent de perdre le fil et le sens de l’actualité. L’info sur le Net est terriblement redondante et en même temps, on ne sait plus ou donner de la tête.

Pour exister dans ce flux, le journaliste doit beaucoup plus qu’hier vérifier ce qu’on lui raconte, mieux angler ses papiers, soigner l’écriture, raconter l’histoire qu’on n’a pas vu ailleurs et bien sûr sortir de vraies infos. Avec le numérique qui fait de la presse une sidérurgie 2.0, l’imprimé qui devient peu à peu obsolète, le journalisme doit aussi faire sa révolution. C’est très darwinien : évoluer, intégrer les nouvelles technologies ou mourir…

Twitter : un ami, un concurrent, une perte de temps ?

Une drogue dure ! Un journaliste du “New Yorker” a écrit un papier qui a fait le tour de la blogosphère : “Twitter is like crack for media addicts”. Je confirme. J’ai toujours un œil sur Twitter sur mon PC au journal ou chez moi, sur mon iPhone dans le métro ou au resto, du matin au soir. Mes collègues et ma famille hallucinent. Quand je pars en vacances il me faut bien deux-trois jours pour décrocher ;-) Twitter a fait passer l’info à l’ère du temps réel, c’est sans retour.

Mais avec un peu d’organisation et de recul, on peut s’en faire un formidable allié pour choisir et filtrer ses sources, s’en servir comme d’une vigie. Twitter est devenu presque plus important pour moi que les fils AFP ou Reuters car je sais qui m’alerte et quelle est sa crédibilité. On arrive assez bien à faire le tri entre l’info et la rumeur en 140 signes et il y a des articles ou des billets de blogs que je n’aurais jamais vu sans Twitter. C’est une véritable moissonneuse à liens qui a fait passer la collecte de l’info sur Internet à l’ère industrielle !
Enfin et ce n’est pas rien à l’heure où les vieux médias vacillent, Twitter est aussi un formidable accélérateur pour diffuser ses articles, faire connaître son travail, ou en chercher. Le” journaliste marque” je n’y croyais pas, ça me rebutait culturellement. Mais là encore on y vient, car les lecteurs sont demandeurs : sur Internet, ils suivent des médias mais aussi des journalistes et des blogueurs qui deviennent eux-aussi des micro-médias.

Le blog : “une révélation”

Votre blog : Un choix ? Une contrainte ? Quelle liberté dans sa ligne éditoriale ?

Une révélation. Je fais quelque chose de nouveau tous les trois ans : du quotidien, du magazine, de l’encadrement. Ça m’est tombé dessus tout d’un coup en septembre 2009 : j’avais besoin d’écrire plus freestyle, dépasser le cadre traditionnel du journal et de la rubrique high-tech/médias que je dirige. Sur mon blog, je peux essayer des tas de choses : billets d’humeur, papiers moins économiques et plus sociétaux, reportages, portraits, business stories, chroniques culturelles, débat d’idées… avec une plume forcément plus personnelle et un peu plus déliée. Je suis le metteur en scène de mon info, pour la titraille, l’illustration et surtout je n’ai pas de contrainte de place ! Contrairement à ce qu’on raconte sur Internet, il ne faut pas forcément écrire court pour être lu : il faut essayer d’écrire mieux, raconter une histoire, toucher le lecteur…

Pour ce qui est la liberté éditoriale, je ne me pose pas trop de questions tant que mon info est sérieuse, recoupée, validée. pas de rumeurs bullshit, pas de mise en cause personnelle gratuite…Comme blogueur, je ne travaille pas différemment que quand je suis journaliste aux “Échos”. Mais c’est vrai qu’en tant que citoyen-blogueur, je me permets un peu plus de donner mon avis. De toute façon, l’objectivité journalistique n’existe pas, seule compte l’honnêteté ou ce qui s’en rapproche…

Faut-il être schizophrène pour mener de front une vie de journaliste et un blog ?

Complètement schizo ! Mais j’essaie de cloisonner : à la rédac’ j’ai des responsabilités alors je pense collectif, quand je blogue je joue forcément perso. J’ai l’hémisphère droit qui pense journal et le gauche blog… sans arrière pensées ;-) Je réserve mes infos exclusives aux “Échos” qui m’emploie, et mes humeurs à Mon écran radar. Et j’écris mes billets chez moi tôt le matin avant d’aller travailler, tard le soir ou le week-end dans la mesure où ce blog ne fait pas (encore ?) partie de mes missions au journal…

Quelles sont les réactions au sein de votre rédaction depuis que vous avez lancé ce blog ?

Disons que je passe sans doute pour un drôle d’oiseau car je suis l’un des premiers journalistes à avoir lancé son blog perso aux “Échos”. Un journal, c’est un travail d’équipe mené par une collection d’égos qui se manifestent plus ou moins. Quand quelqu’un sort du rang et devient un peu son propre média, ça peut déranger certains. Mais j’ai eu bien plus d’encouragements que de reproches. Et les journalistes sentent bien aujourd’hui que c’est dans le numérique que ça se passe.

Quel est votre rapport avec vos lecteurs depuis que vous bloguez ?

J’ai enfin trouvé ce contact avec le lecteur que je recherchais depuis vingt ans : les gens réagissent, vous engueulent ou vous félicitent. Il faut répondre, argumenter. Interagir ça aide aussi à apprendre encore, à corriger ses erreurs, à améliorer un billet, à revenir sur l’info…

Ce blog dans cinq ans ? Un jouet cassé, votre activité principale, un joli souvenir ?

Mon activité principale je pense, mais sous une autre forme plus collective : je verrais bien ce blog s’ouvrir, devenir un agrégateur d’infos et de contributions. Sur Mon écran radar pourrait devenir “Sur Notre écran radar”, une sorte de réseau social journalistique que je dirigerai tel un despote éclairé ;-)

Dernière question : de quelle personnalité, vivante ou disparue, contemporaine ou non, aimeriez-vous lire le blog ?

Sans hésitation aucune : Hunter S. Thompson, l’inventeur du “gonzo journalisme”, pour sa plume hallucinée, sauvage et totalement libre. Il utilisait certaines substances pour libérer son écriture mais c’était surtout un rebelle et un poète à la fois dans sa manière de travailler. il se définissait lui-même comme journaliste et hors-la-loi ! Cela a plus de gueule que “forçats de l’info” ou ou “OS du Web” non ? Thompson est surtout connu pour l’adaptation cinématographique de “Fear and Loathing in Las Vegas” (Las Vegas Parano) mais il a écrit des textes formidables plus proches du roman journalistique que du journalisme à la chaîne que l’on connaît aujourd’hui. Il est mort en 2005 mais je rêverai de savoir ce qu’il penserait de notre époque et de son actualité.

> Billet initialement publié sur Mon écran radar

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