OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le nucléaire court après le cash http://owni.fr/2011/10/12/areva-et-sa-recherche-de-cash-mines-roussely-oursel-progli/ http://owni.fr/2011/10/12/areva-et-sa-recherche-de-cash-mines-roussely-oursel-progli/#comments Wed, 12 Oct 2011 15:41:09 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=82964

Après la remise du pré-rapport de Marc Goua à la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le patron d’Areva Luc Oursel était entendu par cette commission ce matin même. Le remplaçant d’Anne Lauvergeon, débarquée en juillet dernier, devait s’expliquer sur les finances plutôt chaotiques du groupe. Lors de l’audition il a confirmé sa volonté de conserver le modèle intégré de l’entreprise permettant le contrôle du circuit de l’énergie, de l’extraction minière à la distribution. Modèle cher à l’ancienne présidente. Entre les – rassurants – propos de Luc Oursel et la situation des mines de l’entreprise, un décalage pour le moins “étrange”.

Déjà en juin dernier était demandé à Anne Lauvergeon, auditionnée par cette même commission, le sort des mines et comment elle pouvait expliquer le scandale UraMin, rachetée pour 1,6 milliards d’euros en 2007 par Areva – et qui à l’heure actuelle ne produit rien ou presque. Une véritable perte financière que l’entreprise peut difficilement assumer, dans un contexte post-Fukushima.

La recapitalisation de décembre 2009 avait permis de trouver 900 millions d’euros (300 millions de l’État et 600 millions du fonds souverain du Koweit KIA).En juin 2010, la cession de la branche Transmission et Distribution avait rapporté quelques 3 milliards. Et début juillet 2011, les comptes du groupe voyaient arriver quantité d’euros. La Chambre de commerce international venait de condamner Siemens à payer 648 millions d’euros à Areva pour non respect des accords de sortie de leur consortium Areva NP et sa nouvelle alliance nucléaire avec le russe Rosatom.

“@Areva: cherche cash. PLZ RT”

Mais malgré ces rentrées d’argent et les commandes en cours, d’autres fonds sont nécessaires pour le fleuron du nucléaire mondial. En excluant les économies internes du plan CAP 2012 de Luc Oursel (réduction de 30% des frais de fonctionnement dans tous les secteurs), l’État, détenteur à hauteur de 90% de l’entreprise, n’a que trois solutions. Dont la filialisation des mines – Areva Mines devrait voir le jour d’ici la fin du mois d’octobre – et la cession des 26% d’Euramet pour renflouer les caisses. Ne resterait que l’émission de titres hybrides pour consolider les finances, mais la solution reste difficile à mettre en œuvre.

Les relations entre EDF et Areva s’étant détendues, un meilleur avenir financier et marchand semblait pourtant se profiler : les commandes de Proglio à Oursel reprenaient et Areva allait pouvoir toucher 1,1 milliard d’euros pour 32 générateurs de vapeur.

Marc Goua, député PS et auteur du pré-rapport sur les finances d’Areva affirme que :

Des provisions relativement conséquentes devront certainement encore être faites sur les mines pour faire face au recul des prix mais également aux révisions en cours sur les volumes escomptés.

Les mines représentent 12% du chiffre d’affaire en 2010 soit 9,1 milliards de dollars. Et selon une source proche du dossier, l’activité minière est celle pour laquelle le groupe voit ses plus fortes marges.

Malgré tout, Marc Goua estime que la responsabilité des tutelles d’Areva, notamment de l’APE, n’est pas minime quant à l’achat d’UraMin à 1,6 milliard d’euros en 2007. Avant tout parce que l’instance étatique a validé le marché. Et en a dit beaucoup de bien à l’époque (p.10 du pré-rapport) :

En juillet 2007, l’acquisition récente est encore qualifiée par les services de l’APE de « beau succès ».

Quatre ans après, la position de l’agence semble bien avoir changé.

Mais pour qui sont ces mines ?

En juin, la Lettre A , lettre d’information sur les relations de pouvoirs au sein de la vie économique et politique française, rapportait que le conseil de surveillance d’Areva, fin mai, avait donné lieu à un “affrontement violent entre Anne Lauvergeon et les représentants des actionnaires étatiques (APE et CEA), concernant la filialisation de la division minière, exigée par les seconds mais refusée par la première.”


La lutte intense au sujet de la filière Mines entre Anne Lauvergeon et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l’Agence des participations de l’État (APE) – dont le rôle est de veiller aux intérêts patrimoniaux de l’État – a pris un tournant au départ de l’ex-présidente d’Areva. Et laisse la possibilité aux acteurs institutionnels de céder une autre activité rentable du groupe après Areva T&D cédé au consortium français Alstom et Schneider.

Luc Oursel, nouveau président du directoire, est un proche de François Roussely, ancien président d’EDF et aujourd’hui président d’honneur. Roussely, ami d’Henri Proglio, l’actuel président d’EDF, est également l’auteur du fameux rapport classé secret défense rendu en juin 2010 dans lequel il préconise l’ouverture du capital de division minière d’Areva (p.10 de la synthèse du rapport) :

Pour concrétiser cette idée, AREVA pourrait apporter ses actifs miniers d’uranium à une société ad hoc dont elle conserverait la majorité et assurerait la gestion ; les autres actionnaires pourraient être des clients. En outre, une telle opération permettrait à AREVA de réduire significativement ses besoins en capitaux.

Voici la synthèse du rapport :

La suggestion de Roussely a fait son chemin et est bien loin du modèle intégré évoqué par Oursel lors de son passage devant la commission des finances. Simple mise en œuvre du résumé du rapport. Pour Bruno Blanchon, responsable de la branche énergie atomique de la fédération mines :

La filialisation des mines est un pas supplémentaire vers la privatisation du nucléaire et surtout vers le démembrement du groupe. Elle a été faite aussi pour faire revenir le Qatar. Au moment de l’ouverture du capital, le Qatar voulait transformer tous les actifs de la holding vers les mines. On sait depuis 2007 qu’il y a une volonté de démembrer Areva. Et il y a contradiction entre ce que dit Oursel et les opérations du groupe.

L’éviction du Qatar de la recapitalisation en décembre 2010 avait déclenché les foudres d’un petit fonds d’actionnaires. Une plainte contre X – et depuis classée sans suite – avait été déposée par Déminor . François Roussely, avec son autre casquette de vice-président européen du Crédit Suisse, banque conseil du fonds qatari, a été mis en cause pour prise illégale d’intérêts et trafic d’influence. L’attribution d’une partie du capital d’Areva au Koweit permettait alors de réserver au Qatar la filiale Mines.

De modèle intégré, il ne reste visiblement que des mots de président. Et la cession d’une filière en cours de création avoir été amorcée.


Retrouvez tous les articles de notre Une, ainsi que tous nos dossiers sur le nucléaire sur OWNI:

- Le rapport financier qui punit Areva
- Les excès de patriotisme d’Areva


Image de Une par Marion Boucharlat pour Owni /-)
Illustrations via flickr par Soossay [cc-by]
Photo vis Flickr d’une mine d’uranium par Alberto OG [cc-by]

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100 millions de mineurs http://owni.fr/2011/06/03/100-millions-de-mineurs/ http://owni.fr/2011/06/03/100-millions-de-mineurs/#comments Fri, 03 Jun 2011 08:28:10 +0000 Ophelia Noor et Pierre Alonso http://owni.fr/?p=65260 Les membres du collectif Argos seront présents vendredi 3 juin au festival les nuits photographiques, en accès libre au parc des buttes Chaumont pour une projection en plein air de leur webdocumentaire Cuatro Horas, sur une mine coopérative au Chili. Owni est partenaire des nuits photographiques et vous fera découvrir tout au long du mois de juin, une des oeuvres projetées.

Quelle est l’origine de vos reportages sur les mines ? L’avez-vous conçu comme le projet sur les réfugiés climatiques ?

Guillaume Collanges : Je travaillais sur l’industrie et j’avais fait un reportage sur la fermeture des usines de charbon en 2003. Je viens moi-même du Nord, une région minière. La découverte en 2003 a été un choc. La mine est un univers compliqué : d’un côté, elles ont une très mauvaise image, ont la réputation de détruire l’environnement et les hommes ; d’un autre côté, les mineurs sont extrêmement fiers et regrettaient tous que la mine ferme, malgré la dégradation de leur état de santé. C’est l’amour-haine cet environnement ! En bas, il y a une solidarité qui transgresse les questions sociales, le racisme. Les chantiers sont énormes ! L’économie de la France s’est basée sur le charbon. Les mineurs ont connu une heure de gloire passée à laquelle ils se réfèrent encore. Ils étaient souvent immigrés et très pauvres, mais la mine a servi d’ascenseur social. Leur métier était très difficile mais ils avaient un logement, les salaires ont augmenté, ils ont pu payer des études à leurs enfants. Ces grosses industries ont mauvaise image mais elles ont fait vivre des milliers de personnes.

Sébastien Daycard-Heid : En 2007, Guillaume et moi avons fait un reportage sur la piraterie minière. Ce sujet en Afrique du Sud a été difficile à faire et assez marquant. Il s’agissait de mineurs illégaux qui travaillaient clandestinement dans les mines, y restant parfois plusieurs mois. Ils étaient en compétition avec les entreprises qui se partageaient la même mine, non sans heurts. Deux mondes coexistent : les entreprises minières qui sont là depuis plus de cinquante ans mais dont les retombées économiques sont trop faibles pour la population locale, et la piraterie minière qui se développe et entre en compétition frontale voire armée contre les entreprises et l’État. Au début, les illégaux étaient des Sud-Africains, puis ils ont prospéré et ont commencé à faire venir des clandestins étrangers. On s’est rendu compte qu’il y avait énormément d’illégaux dans les mines à travers le monde et qu’il y avait matière à faire une série transversale.

100 millions de personnes travaillent dans des mines !

Quels seront les prochains sujets ? Comment allez-vous les traiter sur la forme ?

Cédric Faimali : Notre approche de la question est transversale. Nous traitons plusieurs cas différents dans plusieurs pays, avec plusieurs médias : photo et texte, mais aussi vidéo et son de façon systématique. Le but est de constituer une matière première exploitable sous de multiples formes qui permet d’avoir une diffusion multi-support, une vitrine et des revenus pendant le projet. En Colombie, nous avons auto-financé notre reportage parce qu’il lançait la série et était surtout destiné à la presse. L’Afrique du Sud a été produit par GEO et Scientifilms en télé pour ARTE REPORTAGES. Le reportage au Pérou a été vendu à la presse et en webdoc. Le produit fini sera un livre et une exposition. Peut-être un webdoc en suivant un fil conducteur transversal.

Collectif Argos/Picture Tank © tous droits réservés Cédric Faimali

Guillaume Collanges : Pour la Lorraine, nous avions fait un webdoc avant l’heure en 2004, un diaporama sonore. Notre premier reportage en Afrique du Sud raconte l’histoire du pays et son fonctionnement actuel : les mineurs sont un peu mieux payés mais les accidents sont très courant : les migrants sont en tête de taille, le poste le plus dangereux.

Sébastien Daycard-Heid : Les prochains reportages seront sur les communautés de mineurs en Ukraine et aux États-Unis. Aux États-Unis les mineurs américains reprennent la tradition de recherche de l’or. Nous partirons sur les traces d’une longue littérature de reportage écrite par Jack London, Blaise Cendrars ou Cizia Zykë dans un autre genre. Côté photo, la référence est bien sûr Sebastiao Salgado qui a travaillé sur la Serra Pelada dans les années 1980. Ce qui nous intéresse, c’est de revisiter cette thématique 30 ans ou plus après, avec les changements liés à la mondialisation.

La filière minière raconte donc une histoire de la mondialisation ?

Sébastien Daycard-Heid : Les mines ont engendré des villes, du commerce et San Francisco illustre bien que du développement peut naitre de cela. Aujourd’hui, la plupart des villes minières sont des villes fantômes en puissance. Les mines sont des trappes à pauvreté. Ce ne sont plus des paysans comme à la Serra Pelada, mais parfois des médecins, des fonctionnaires, ceux qui ne trouvent pas leur place dans les villes. L’intérêt de l’approche transversale, contrairement à une approche plus classique qui consiste à suivre une filière de l’extraction à la consommation, est de montrer une condition humaine partagée et un problème lié au développement minier en général. Il ne concerne pas que quelques mineurs isolés mais des millions de personnes.

En creux apparaissent les politiques de développement des États et le rôle du consommateur.

L’exemple du panneau solaire est assez significatif : c’est un produit lié au développement durable, mais sa production nécessite du lithium dont l’origine est parfois très incertaine.

Sébastien Daycard-Heid : Le problème n’est pas le métal en lui-même mais les modes de productions et la logique de marché. On n’est pas sorti de la logique uniquement mercantile des conquistadors : captation de la ressource, concentration et vente. À aucun moment, on ne s’interroge sur l’origine du métal. Les métaux sont au cœur du fonctionnement de la bourse qui s’est bâtie dessus et donc par ricochet du système économique mondial. En revanche, les logiques de marché peuvent changer pour obliger les compagnies minières à reverser des revenus aux populations locales par exemple. Les progrès techniques permettent aussi d’améliorer la problématique environnementale. Après le mercure et le cyanure, la technique traditionnelle de la gravitation revient en utilisant des machines, donc en restant dans un processus traditionnel.

Collectif Argos/Picture Tank © tous droits réservés Guillaume Collanges

Quels sont les modèles de production alternatifs pour les mines ?

Cédric Faimali : Le sujet des mines n’est absolument pas manichéen, il faut absolument se débarrasser de ce préjugé pour le comprendre. D’où l’intérêt de travailler en série pour souligner les nuances. A Cuatro Horas, les mineurs illégaux ont développé le travail en coopérative et se sont battus pour racheter leur mine. Mais l’individualisme est en train de reprendre le dessus avec le plafonnement économique de la mine, aucune filière de marché intègre cet or.

Sébastien Daycard-Heid : Le label or équitable certifié Max Havelaar existe en Grande-Bretagne depuis le 14 février. On est au début de la reconnaissance de ce label. Pour l’or, il faut assurer la traçabilité des métaux et l’existence d’une filière séparée. De plus en plus de joailliers entrent en contact avec des affineurs qui cherchent eux-mêmes des filières de production équitables. Max Havelaar a justement cette fonction d’expertise de certification. En France, la situation est très différente : le marché n’est pas composé d’artisans mais d’industriels du luxe. Même si la filière est embryonnaire, l’idée de traçabilité rentre dans les habitudes y compris pour l’or.

Une filière équitable pour l’or pourrait émerger ?

Guillaume Collanges : Pour la filière équitable, le prix très élevé de l’or est un avantage. De petites productions ou coopératives peuvent devenir des projets pilotes. A contrario, si une filière équitable de l’or apparaît, les interrogations sur les filières non-équitables vont se multiplier : est-ce de l’or sale ? Pas forcément, bien sûr, mais la question sera posée.

Cédric Faimali : Le commerce équitable enclenche une dynamique vertueuse même sans représenter 70 ou 80 % du marché. De toute façon, il suppose un lien direct entre producteur et consommateur ce qui paraît difficile à réaliser pour le cuivre.

Quelles sont les conditions de travail des mineurs illégaux ?

Sébastien Daycard-Heid : La clandestinité entraîne les plus mauvaises pratiques, même pour les mineurs qui arrivent avec les meilleures intentions. Ils peuvent mourir d’un incendie au fond de la mine, d’une rixe parce qu’ils ont trop picolé. Quand les mineurs remontent après quelques semaines ou même une nuit, ils dépensent une grande partie de leur salaire en alcool ou autre. En Afrique du Sud, tous les illégaux étaient jeunes. Les chefs avaient 30-35 ans parce qu’ils ont besoin d’avoir une excellente condition physique. Pendant une semaine au fond, ils ne mangent que des barres énergisantes.

Collectif Argos/Picture Tank © tous droits réservés Cédric Faimali

Des ONG font-elles de la prévention ?

Sébastien Daycard-Heid : Les ONG sont très peu présentes dans les régions minières. Elles pourraient pourtant aider réformer les modes de production en faisant de la prévention sur les risques sanitaires et environnementaux. Le sous-sol appartient aux Etats, contrairement aux terres agricoles qui appartiennent aux cultivateurs. Les activités des ONG, surtout internationales, sont trop perçues comme des ingérences alors qu’il y a urgence. Les ONG locales ont peu de moyens. La réglementation internationale en est à ses balbutiements après le scandale des diamants du sang. En juillet dernier, la loi Dodd-Frank sur la finance votée aux États-Unis ont contraint les entreprises américaines côtées en bourse à certifier la provenance des métaux qu’elles utilisent. L’objectif est de mettre fin à la guerre au Congo qui se nourrit des ressources minières.

Cédric Faimali : L’or sert aussi à blanchir l’argent de la drogue. En Colombie notamment, certains investisseurs achètent des mines au-dessus de leur valeur. En plus, l’or est déjà une monnaie : échangeable et substituable. On peut facilement payer des armes, financer des milices, corrompre des fonctionnaires. C’est une économie grise, informelle. Idem avec le coltan par exemple. Améliorer la traçabilité permet de sortir de ces logiques.


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Photographies du Collectif Argos/Picture Tank © tous droits réservés Guillaume Collanges et Cédric Faimali

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La transparence, une ressource inexploitée… http://owni.fr/2011/06/01/industries-extractives-transparence-regulation-financiere-petrole-mines/ http://owni.fr/2011/06/01/industries-extractives-transparence-regulation-financiere-petrole-mines/#comments Wed, 01 Jun 2011 12:26:53 +0000 Renaud Coureau http://owni.fr/?p=65562 Michel Roy, économiste et linguiste, est directeur de la section internationale du secours catholique. Il a été membre du bureau de l’ITIE (Initiative pour la transparence dans l’industrie extractive) durant quatre ans, et coordinateur de la plate-forme internationale Publish what you pay. Il fait le point sur les différentes initiatives en faveur de la transparence financière.

Qu’est-ce que l’ITIE aujourd’hui et quels en sont les résultats?

En 2003, Tony Blair cherchait une réponse aux interpellations des ONG anglaises sur la transparence des grandes entreprises. Il a donc lancé l’ITIE (initiative pour la transparence dans l’industrie extractive, NdR), qui avait pour mission originelle d’établir une norme internationale de transparence pour les activités extractives : pétrole, diamants, minerais. Mais il s’agit d’une norme sur le mode anglo-saxon. Pas vraiment de contraintes ou de règles fermes, mais plutôt une recherche de consensus, de solutions acceptables par tous.

En 2007 a été lancé le processus de validation des pays producteurs selon les critères de l’ITIE. Les pays concernés sont ceux qui tirent plus de 25% de leurs revenus des industries extractives.

Pour être certifiés conformes à l’ITIE, les pays candidats doivent produire un rapport donnant des informations chiffrées sur ce que versent les compagnies à l’État, et sur ce que l’État reçoit. Un expert indépendant doit valider ce rapport, qui a vocation a être actualisé tous les ans. Aujourd’hui, sur 60 pays potentiellement concernés, 35 sont engagés dans le processus, dont 11 sont déjà certifiés.

Huit ans après son lancement, cette initiative n’est pas encore arrivée à maturité. Les critères restent trop souvent subjectifs. Nous souhaiterions plus d’objectivité, plus de solidité. Il faudrait également faire entrer les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine, NdR) dans le processus, ainsi que les plus gros producteurs. Le G20 incite tous ses membres à participer à l’ITIE.

Quel intérêt ont les pays producteurs à une meilleure transparence dans leurs affaires?

Beaucoup de ces pays ont de sévères problèmes de gestion des ressources. Des années de conflits, des gouvernements autocratiques… le contexte politique de certains pays a abouti à une opacité totale. Plusieurs raisons peuvent les pousser à participer au processus ITIE.

D’abord pour des questions d’image vis-à-vis de l’extérieur. Beaucoup veulent prouver au monde qu’ils sont bons gestionnaires. Ensuite, ces pays sont souvent très endettés, or le FMI met l’adhésion à l’ITIE comme condition pour annuler la dette d’un État. La banque mondiale fait également pression, cette fois pour lutter contre la corruption.

L’ITIE peut également aider les dirigeants de ces pays à y voir plus clair. J’ai entendu le ministre des Finances du Mali dire qu’il ne savait pas ce que l’or rapportait à son budget…

Tous les pays ne s’engagent pas avec la même force. J’ai pu l’observer au Congo Brazzaville. Le président Denis Sassou-Nguesso a envoyé une lettre à la banque mondiale en 2004, pour annoncer que son pays souhaitait entrer dans l’ITIE. Mais les premières démarches concrètes ont été effectuées en 2006… et des membres de l’organisation Publish What You Pay (PWYP) ont été incarcérés entre temps. Dans ce cas, la démarche ITIE s’est limitée à une déclaration d’intention. C’est le cas de beaucoup de pays, qui s’engagent, mais mollement.

A l’inverse, la présidente du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, a utilisé l’ITIE pour réformer son administration, et mettre en place un cadre contraignant. On se libère difficilement de décennies de mauvaise gestion. Au final, elle a dépassé le cadre de l’EITI, en imposant également la transparence dans les industries forestière et agroalimentaires.

Les compagnies pétrolières sont-elles également coopératives?

En 2003, elles sentaient déjà la pression de la société civile dans certains pays, comme le Nigeria. Quand un pays entre dans le processus, cela devient contraignant pour toute les compagnies qui y travaillent.

Les majors, qui ont une image à défendre, jouent le jeu en général. Elles ont un intérêt à avancer vers plus de transparence, cela rassure les investisseurs. Mais entre ce que décide le siège et la manière dont c’est mis en œuvre par les filiales sur place, il peut y avoir un décalage. A un tel point que Total a dû consacrer du personnel dédié à la transparence dans ses filiales.

Une compagnie cherche à produire du pétrole, à créer de la richesse. Le reste, ce n’est pas prioritaire. Néanmoins, les majors pétrolières soutiennent presque toutes l’ITIE. Total et Areva ont signé en 2003, GDF Suez un peu plus tard. C’est parfois indispensable pour entretenir de bonnes relations avec les États.

Dans les pays les plus riches, sentez-vous une volonté politique d’imposer plus de transparence aux multinationales?

Les pays du Nord sont plus moteurs que ceux du Sud. La crise les a encouragé à aller vers plus de transparence. Les États sont marginalisés sur la scène internationale. L’économie financière dirige le monde à leur place. La transparence peut aider les États à récupérer des fonds. Dans tous les pays, le fisc pousse fort dans ce sens.

Par exemple, la loi Dodd-Franck, adoptée aux États-Unis, oblige les compagnies cotées à publier des informations pays par pays et projet par projet. Votée en juillet 2010, elle n’est toujours pas effective : les décrets d’application ont été reportés à décembre 2011, suite à un lobbying très fort des multinationales. Elles demandent des exemptions quasiment sur tout…

Notre objectif, c’est que cette norme devienne planétaire. On pousse l’Union Européenne à adopter les mêmes règles. Notre opportunité : la révision de la directive sur l’obligation de transparence. Dans l’idéal, la nouvelle version de cette directive se baserait sur la loi Dodd-Franck.

Mais les discours publics restent flous… Les compagnies sentent qu’elle ne pourront pas éviter de donner des informations pays par pays. Ce qui les amènera à corriger d’elles-même leurs pratiques d’évasion fiscale. Mais les données projet par projet, c’est une autre affaire. Les compagnies pétrolières sont vent debout contre ce projet. Bercy est également contre. L’argument utilisé, c’est toujours celui de la concurrence. Publier des données projet par projet, cela donnerait un avantage aux concurrents. Ce ne sont pas les Américains qui sont visés, mais les Chinois, qui ne seront pas soumis aux mêmes contraintes. C’est un argument qu’on peut comprendre, et c’est pourquoi il faut établir une norme globale.

L’un des freins les plus importants à cette logique planétaire, c’est la position des pays émergents. Aucun d’entre eux ne soutient l’ITIE. Même si leurs compagnies nationales s’engagent, comme Petrobras au Brésil ou Pemex au Mexique.

Quelle institution pourrait valider une telle norme? Le G20?

Il n’y a pas d’autorité boursière mondiale… La norme s’établira d’elle même, si les États-Unis lancent la dynamique et que l’Europe suit. Singapour a également lancé une initiative moins ambitieuse.

C’est le sens du message que nous répétons à Total depuis des années : « Anticipez, les choses vont bouger, n’attendez pas d’être contraints ».

Vous êtes donc optimiste?

Oui, je pense que la crise oblige à développer des logiques de transparence. Si les politiques espèrent reprendre la main sur le cours des choses, ils n’ont pas le choix. Les grandes décisions sont globalisées, et le resteront. Nous vivons dans un monde beaucoup plus inter-dépendant que par le passé, donc pour s’y adapter les politiques vont devoir contraindre la sphère financière.

Il faut avancer vers une régulation financière réelle, avec la fin des paradis fiscaux et des mécanismes d’opacité. Tant que tout cela ne sera pas régulé, les chefs d’état n’auront pas de réel pouvoir sur la situation économique. Ils l’ont bien compris.

Toutes les normes de transparence avancent aujourd’hui. On sent la résistance des compagnies, on sent l’impact de leur lobbying quand on parle aux politiques. Mais j’ai le sentiment que la réalité va amener les responsables publics à faire avancer les choses. Signe positif : le G20 a repris des propositions formulées au forum social de Belem, qui vont dans ce sens.


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La nationalisation bâclée qui a tué les mines zambiennes http://owni.fr/2011/04/12/mines-zambie-archetype-mondial-d%e2%80%99une-mauvaise-gestion-cuivre/ http://owni.fr/2011/04/12/mines-zambie-archetype-mondial-d%e2%80%99une-mauvaise-gestion-cuivre/#comments Tue, 12 Apr 2011 13:48:55 +0000 David Mwanambuyu http://owni.fr/?p=56529 La Zambie est l’archétype mondial d’une mauvaise gestion des exploitations minières. L’échec du programme de nationalisation de ce pays devrait inciter les admirateurs de Julius Melama, le président de l’ANC Youth League (ANCYL) [en], à mettre en sourdine leur rhétorique virulente et à écouter ce qu’ils ne veulent pas entendre : la nationalisation des mines d’Afrique du Sud pourrait causer la faillite des entreprises publiques. La question la plus importante est la suivante : qui va gérer et sera responsable de ces mines une fois qu’elles seront passées sous le contrôle de l’Etat ? Comment l’Etat va-t-il juguler la fuite des talents et des capitaux après la nationalisation ?

Alors qu’une délégation de l’ANCYL a entrepris une visite au Vénézuela pour se faire une idée du programme de nationalisation de Chavez, il est hallucinant qu’ils n’aient pas fait un voyage moins long à travers le Limpopo pour tirer des leçons de l’expérience malheureuse de la Zambie dans la gestion de ses mines de cuivre. Les mines de Zambie ont été re-privatisées au terme d’un long processus et la mine de cuivre de Luanshya a été la première à être adjugée aux enchères en 1997.

Environ une décennie après l’indépendance de l’ancienne colonie britannique, le cuivre était devenu le poumon de la Zambie. L’auto-destruction de la Zambie était programmée en 1970 après les réformes économiques de Mulungushi qui ont fait le lit d’un plus grand interventionnisme de l’État en matière économique via la déclaration Matero. Résultat, le gouvernement du docteur Kenneth Kaounda a déclaré son intention d’acquérir une participation de 51 % ou plus dans un certain nombres d’entreprises clés dirigées par des étrangers dans ce pays d’Afrique australe.

Des contrats de marketing et de management ont été proposés aux anciens propriétaires des mines – une disposition qui a duré jusqu’en 1974 date à laquelle le gouvernement a mis fin à ces accords. En remplacement, le gouvernement a désigné pour la première fois des directeurs généraux zambiens, David Phiri et Wilson Chakulya, qui ont pris respectivement la tête de Roan Consolidated Mines (RCM) et de Nchaga Consolidated Copper Mines (NCCM). L’effet de ces réformes économiques a été plus vaste et profond dans le secteur clé des mines. Le pays est le 11e plus important producteur de cuivre au monde, plus de deux milliards de tonnes de cuivre restent encore à exploiter.

En 1964, c’était le troisième plus gros producteur dans le monde. Il exportait alors plus de 700 000 tonnes par an et faisait partie des pays les plus prospères d’Afrique selon le Consultancy Africa Intelligence (CAI) [en]. L’extrême dépendance de la Zambie au cuivre est parfaitement illustrée par les statistiques : le cuivre contribue à 40 % du PIB de la Zambie et représente 95 % des exportations du pays. Environ 62 % des recettes fiscales du gouvernement proviennent du commerce du cuivre. En 30 ans, la production de cuivre a diminué régulièrement pour passer de 700 600 tonnes à 226 192 tonnes en 2000.

Le déclin était un résultat de la mauvaise gestion de la mine d’État par la Zambia Consolidated Copper Mines (ZCCM) [en] et du cruel manque d’investissements. Les autres facteurs sont la baisse du prix du cuivre sur les marchés mondiaux des matières premières et l’incapacité de la Zambie à augmenter son capital ainsi que son incompétence à gérer ces mines. La situation s’est détériorée quand le gouvernement est devenu actionnaire majoritaire des deux grandes sociétés sous contrôle étranger – l’Anglo-American et le Rhodesia Selection Trust (RST) respectivement devenus le NCCM et le RCM.

Le délabrement des mines s’est accéléré en 1982 quand le NCCM et le RCM ont fusionné pour former le ZCCM avec Francis Kaunda (aucun lien avec le président) devenu PDG. Il a occupé cette position jusqu’en 1991, quand il a été relevé de ses fonctions par le nouveau gouvernement à la suite de la défaite du Dr Kaunda à la première élection présidentielle multipartite.

Les erreurs stratégiques

Liepollo Lebohang Pheko, directrice des programmes et du plaidoyer au Trade Collective, pense que la nationalisation des mines de Zambie n’était pas mauvaise en elle-même, mais elle souligne aussi que les réformes économiques de Mulungushi qui ont fait le lit de l’intervention étatique dans l’économie, manquaient de soutien.

La nationalisation a permis à l’État de contrôler 80 % de l’économie via des structures paraétatiques engagées dans les mines, l’énergie, le transport, le tourisme, la finance, l’agriculture, le commerce, l’industrie et la construction, affirme-t-elle.

L’État est devenu le moteur de la croissance, mais le défi était d’équilibrer ce phénomène avec des impératifs au niveau mondial, avec des ambitions de développement et même avec les effets du régime de l’Apartheid qui a cherché à déstabiliser les économies des Frontline States [en], un groupe d’États d’Afrique australe – fer de lance du soutien à l’ANC – que la Zambie a présidé.

“Peut-être que ce qui a manqué aux réformes était un plan d’urgence” soutient Liepollo Pheko. Elle énumère les raisons de l’échec de la Zambie de la façon suivante : les industries d’importation de substituts se sont avérées inefficaces et non compétitives à cause de coûts de production élevés, d’un fort monopole sur les prix, de dépendance vis-à-vis des subventions du gouvernement, d’un manque de dynamisme technologique et d’une sous-utilisation de la capacité de production et de travail.

L. Pheko soutient aussi que l’Industrial Development Corporation (INDECO) [en] n’a pas réussi à réduire la dépendance à l’égard des contributions extérieures. L’INDECO a aussi échoué à créer des emplois en raisons des coûts élevés des machines de production, et du recrutement exclusivement effectué sur un petit marché urbain au mépris de la majorité pauvre des zones rurales. L. Pheko, née en Zambie, affirme qu’il faut bien noter que l’INDECO elle-même a échoué à passer de la production de biens de consommation non-durables à des biens durables et des biens d’équipement. Quatrièmement, la négligence volontaire de l’agriculture et les zones rurales entraînait une dépendance accrue envers l’industrie minière du cuivre.

Le cinquième élément est le parti pris contre les exportations et les restrictions d’importation qui ont abouti à de plus hauts taux de change et ont diminué les gains des exportations. Sixièmement, le soutien de la Zambie aux mouvement de libération d’Afrique australe (notamment l’ANC) et la fermeture de la frontière à la suite de la Déclaration Unilatérale d’Indépendance de la Rhodésie, ont gravement atteint la mise en place de plans de développement, alors même que des routes alternatives d’exportation devaient être construites, notamment la voie ferrée Tanzanie-Zambie.

Il apparaît qu’il y a eu une forte corrélation entre le déclin des revenus du cuivre et l’appétit du gouvernement à emprunter à l’étranger afin de maintenir sa capacité d’importation pour la consommation et l’investissement : lorsque le cuivre et les prix à la production ont fortement chuté au début des années 1980, la dette extérieure annuelle de la Zambie a triplé (à prix constant), alors que les taux d’intérêt augmentaient dans le monde, explique L. Pheko.

Mauvaise gestion de l’ensemble de l’économie

Les politiques économiques libérales, l’assistance étrangère et la démocratisation n’ont pas incité à un assainissement de l’économie, au développement durable et à la réduction de la pauvreté. L. Pheko rappelle que le problème de la rareté des talents ne concernait pas uniquement les mines, mais était un problème structurel, affectant l’agriculture, l’industrie et d’autres secteurs. L’industrie s’est également effondrée à cause d’une part de la mauvaise gestion des privatisations et d’autre part de la concurrence des fabricants du Zimbabwe et d’Afrique du Sud.

La libéralisation s’est accompagnée de corruption qui a aussi miné les performances économiques. La corruption a pénétré toutes les institutions du gouvernement, estime L. Pheko.

La décision de reprivatiser le ZCCM est apparue comme l’un des volets du Programme de Réforme Structurelle. C’était devenu inévitable, comme l’avait lui-même reconnu le précédent gouvernement. Mais l’idée du régime de Kaunda consistait à permettre au ZCCM restructuré de continuer à opérer en tant qu’entreprise d’État, en étant associée aux entreprises privées qui devaient obtenir l’autorisation de mener des nouvelles prospections et exploitations minières.

Certains partisans appellent de leurs vœux un modèle similaire en Afrique du Sud, plutôt qu’une nationalisation générale des mines. La compagnie minière publique (l’African Exploration Mining and Finance Corporation) pourrait jouer ce rôle. Le principe est comparable au modèle chilien. L’État y dirige le géant de l’exploitation minière Codelco (Corporación Nacional del Cobre de Chile), et l’exploitation de nouvelles mines de cuivre est accordée à des investisseurs privés.

Sans une réorientation de l’exploitation minière vers une industrialisation orientée vers l’exportation, la politique de substitution de l’importation et de libéralisation de l’économie ne s’est pas avérée favorable au développement économique. Résultat, la Zambie est devenue l’un des pays les plus pauvres du monde et souffre d’un déclin économique, sans grands espoirs de rétablissement.

L. Pheko l’explique :

En Afrique, nous avons tiré de nombreuses leçons des défis de la nationalisation: les expériences de la Zambie, de l’Ouganda ou du Congo nous indiquent que l’État n’est pas toujours à la hauteur de l’industrie minière, où les mines les plus profondes et les plus complexes nécessitent le plus grand degré d’expertise en ingénierie, management, marketing et maintenance.

Myopie politique ou ignorance économique?

À son indépendance, l’économie zambienne était dépendante des mines de cuivre, qui représentaient à l’époque 90% des exportations. Les dirigeants du pays se sont dévoués à la promotion du développement économique et la restructuration de l’économie.

On peut considérer que les taux de croissance ont été convenables dans les années 60 et au début des années 70, principalement grâce à une importante production de cuivre, à des prix élevés, et à une augmentation de la production de l’industrie et du maïs, en plus d’une augmentation du nombre des équipements sociaux et sanitaires, d’après L. Pheko.

Cependant, le programme de nationalisation en général et la substitution aux importations en particulier, se sont avérés très coûteux. La Zambie n’a pas réussi à diversifier son économie, et la substitution de l’importation s’est avéré défavorable, entrainant le déclin économique.

La boîte de Pandore

Le déclin des prix du cuivre depuis 1974 a contribué à la ruine de la Zambie. Conséquence : une diminution des dépenses du gouvernement pour le développement – y compris de l’industrialisation par substitution aux exportations – une incapacité à importer des biens, des problèmes de balance des paiements, et l’impossibilité de rembourser la dette extérieure.

D’après L. Pheko, le fait que le gouvernement n’ait pas épargné quand les prix du cuivre étaient élevés – pour amortir les chutes probables des prix – a fait empirer la situation économique. Le gouvernement a préféré augmenter ses dépenses sociales et de santé, importer des articles de luxe, aider le secteur semi-public et les entreprises privées et enfin, indemniser largement les travailleurs, en particulier les mineurs. Par ailleurs, l’importante intervention de l’État a renforcé la bureaucratie, la corruption et l’incertitude et découragé le secteur privé et les initiatives étrangères.

La faible performance économique de la Zambie depuis 1991 peut être attribuée à deux autres facteurs: d’une part, l’élite politique n’a pas su mettre en place des stratégies de développement bien définies sur le long terme. Ils n’avaient qu’une vision à court-terme en vue du renversement du gouvernement de Kaunda. D’autre part, la dépendance excessive envers le Fonds Monétaire International et les prescriptions économiques de la Banque Mondiale ont réduit la capacité de l’État à développer son économie.

Conclusion

D’après le CAI, le programme de nationalisation de la Zambie a été inopportun, compte tenu de la crise pétrolière et du déclin des prix du cuivre qui ont entrainé une grave crise de la dette. Le phénomène a été exacerbé par une centralisation de l’économie, qui a provoqué une dépendance accrue au cuivre et un grave déclin économique.

Le fait d’investir dans des secteurs non favorables, au lieu d’investir dans le secteur minier et d’ouvrir de nouvelles mines a conduit à une augmentation des coûts de production. L’exploitation des mines existantes est devenue beaucoup plus onéreuse, conduisant la Zambie à la nationalisation de son secteur minier et à un échec lamentable. Le seul moyen de rectifier la situation était de privatiser l’industrie et d’attirer des investissements étrangers.

Le CAI estime que la Zambie n’a pas beaucoup bénéficié de l’engagement international (privatisation) dans le secteur du cuivre. La plupart des bénéfices potentiels existants se sont transformés en impacts négatifs. La réduction des revenus du gouvernement liés aux taxes sur les mines de cuivre et les redevances notamment, et la précarisation du travail, compte tenu du nombre de Zambiens employés à court terme et de l’arrivée massive de travailleurs chinois dans les mines chinoises; ainsi que les problèmes de sécurité des mines qui ont mené à la mort de 49 mineurs dans une explosion en 2005.

Le CAI conclut que le gouvernement zambien devrait réévaluer sa politique minière ainsi que sa législation, afin d’engranger un maximum de bénéfices en provenance de l’industrie du cuivre et de créer un environnement favorable à la population.



Traduction : Hélène David, Pierre Alonso

Article initialement publié en anglais sur Leadership, sous le titre Bitter Lessons for South Africa

Crédits Images : carte U.S. Government Wikimedia Commons // FlickR CC mm-j / Hypocentre

Image de Une par Elsa Secco @Owni /-)

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