OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Lui, président, implantera-t-il des fab labs ? http://owni.fr/2012/12/06/lui-president-implantera-t-il-des-fab-labs/ http://owni.fr/2012/12/06/lui-president-implantera-t-il-des-fab-labs/#comments Thu, 06 Dec 2012 16:35:13 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=127016

Jean, nouvel utilisateur du Fac Lab, le fab lab de l'Université de Cergy basé à Gennevilliers, fabrique une sculpture en bois (inspiré d'une oeuvre de George W Hart) avec la découpe laser . Le 6 décembre 2012. (cc) Ophelia Noor

Enfin ! Les fab labs et autres lieux dédiés à la fabrication numérique personnelle, sont arrivés aux oreilles du gouvernement français. Ce matin, une table ronde était organisée au cabinet de Fleur Pellerin sous la houlette d’Aymeril Hoang, conseiller innovation et économie numérique de la ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique.

Les fab labs en route vers le Grand Soir

Les fab labs en route vers le Grand Soir

Le Parti communiste français met le nez dans les fab labs. Avec comme une vieille envie de se remuer un peu le logiciel. Et ...

Intitulé “Développement des fab labs en France”, le séminaire avait surtout pour but de présenter deux visions de la fabrication personnelle, entre gros sous et visées moins directement lucratives. La quarantaine de participants étaient issus du ministère, de l’industrie comme PSA ou SEB et du microcosme numérique start-upers incontournable tel FaberNovel.

Fabien Eychenne de la Fing a d’abord présenté les fab labs, puis Emmanuelle Roux et Laurent Ricard ont exposé un cas concret avec leur FacLab, premier fab lab porté en France par une université. Enfin, Mark Hatch, le DG de TechShop, une chaine d’ateliers géants pour bricoleurs très pointus, est revenu sur sa société. La rencontre était d’ailleurs motivée par la venue de Mark Hatch, il ne s’agissait pas d’une initiative du cabinet.

L’entrepreneur a dévoilé ses plans de déploiement, en présence de Paul Duggan, en charge du développement en Europe : Paris, Londres, Milan… sont en ligne de mire, entre autres.

TechShop, s’il met en avant son côté communautaire – mais quelle société qui ne vit pas sur la planète Mars ne le fait pas ? – est une entreprise classique, déjà forte de six ateliers, tous aux États-Unis. Elle vise maintenant le vieux continent, forte de l’engouement pour la fabrication personnelle, dont les possibilités ont été décuplées par les machines-outils assistées par ordinateur et la force de partage et d’entraide propre à Internet. Elle se décrit ainsi :

Studio de prototypage et de fabrication, hackerspace, centre d’apprentissage, TechShop offre l’accès à de l’équipement et des logiciels d’une valeur d’un million de dollar.

Son appétit de déploiement rappelle celui des pionniers du PC dans les années 70-80. On va changer le monde, en se faisant des dollars au passage, pour votre bien et celui de l’économie en général puisque les TechShops sont des endroits idéaux pour faire du prototypage rapide et donc incuber son entreprise, entre autres. Le premier a d’ailleurs ouvert en 2006 à Menlo Park, au cœur de la Silicon Valley, où les hackers-futurs entrepreneurs tripatouillaient les machines au Homebrew computer Club. Google y serait aussi né, dans un garage bien sûr.

Success story

Devant les petits frenchies, Mark Hatch a fait la démonstration de son gros potentiel avec une présentation bien calibrée illustrée d’exemples propres à faire rêver. Une rafale de chiffres à faire pâlir en cette période de crise. Les participants ont pu voir la photo d’Obama au bureau oval tapotant sur son iPad avec une coque DODOcase. Le prototype du DODOcase a été conçu pour moins de 500 dollars et faisait cinq mois après son lancement 1 million de dollars de CA. Sans le TechShop, son idée serait restée au placard puisque sa réalisation requiert une machine qui coûte 25 000 dollars. Il a juste dû payer des frais d’entrée, 125 dollars par mois ou 1 395 dollars par an. Même parcours étincelant pour Square, un lecteur de carte de crédit que l’on branche sur son mobile ou sa tablette. Deux millions d’Américains l’utilisent maintenant, en versant au passage à chaque transaction une commission de 2,75%.

L’entreprise incarne l’état d’esprit maker, si cher aux Américains : une foi en la capacité créatrice qui a fait le succès du modèle américain, cette idée d’une nation qui se forge elle-même. Son slogan en témoigne :

Build your dream here. What do you want to make ?

En face, pour représenter les fab labs, nous avions donc Emmanuelle Roux et Laurent Ricard. Une tout autre vision, même si les deux types de lieux permettent de faire du prototypage rapide et de faciliter de façon générale l’innovation ascendante et la créativité. Déjà, c’est moins l’usine : les machines y sont plus modestes et la dimension reste humaine alors qu’un TechShop fait 1 500 m2.

Gros sous vs charte

Surtout, les fab labs s’appuient sur une charte où les valeurs de partage, d’ouverture, d’entraide et d’éducation sont fondamentaux. On y privilégie les formats ouverts, qu’il s’agisse du logiciel ou du matériel. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on ne puisse pas y faire développer un produit pour développer derrière une activité, mais ce n’est pas le but final :

Secret : les concepts et les processus développés dans les fab labs doivent demeurer utilisables à titre individuel. En revanche, vous pouvez les protéger de la manière qui vous choisirez.

Business : des activités commerciales peuvent être incubées dans les fab labs, mais elles ne doivent pas faire obstacle à l’accès ouvert. Elles doivent se développer au-delà du lab plutôt qu’en son sein et de bénéficier à leur tour aux inventeurs, aux labs et aux réseaux qui ont contribué à leur succès.

En théorie, les fab labs sont ouverts et gratuits, dans la réalité, c’est parfois un mix des deux, car il faut bien financer l’endroit. Au Fac Lab, c’est totalement gratuit, mais trois formations autour des fab labs vont être proposées pour assurer des revenus en ces temps de disette de fonds publics.

Les différentes étapes de la fabrication de la sculpture en bois (inspiré d'une oeuvre de George W Hart) avec la découpe laser , en passant par le logiciel de modélisation 3D et la découpe de bois. Le 6 décembre 2012 au Fac Lab de Gennevilliers. (cc) Ophelia Noor

Nos deux intervenants ont souligné ces dimensions propres aux fab labs, explique Emmanuelle Roux, en particulier l’aspect éducatif :

J’ai insisté sur l’importance de permettre aux plus jeunes d’accéder à ce genre de lieu. Et il faut mailler tout le territoire, ne pas se cantonner à Paris.

Avis à Vincent Peillon, notre ministre de l’Education qui souhaite refonder l’école, chapitre 42. Aux États-Unis, une association comme School Factory essaye déjà depuis quelques années d’amener ce type de lieu dans l’école, pour favoriser l’apprentissage par le faire, en mode projet et dans une optique de partage des connaissances. Bref l’envers du système français actuel.

S’appuyer sur les EPN

Emmanuelle Roux a attiré l’attention sur les nombreuses structures publique déjà existantes, mairies, écoles et surtout EPN (espace public numérique), qui pourrait accompagner ce développement. Incubateur de fab lab, voilà une belle reconversion potentielle pour les EPN.

Apparemment, le message est passé : “Aymeril Hoang m’a dit qu’il en parlerait à la ministre, il a évoqué la possibilité de visiter le FacLab. Il souhaite aussi avancer la réflexion sur les EPN.” Owni est ravi, qui a sollicité le cabinet de Fleur Pellerin pour une table ronde sur le sujet le mois dernier, ainsi que celui de Montebourg, sans succès.

L’impression 3D vend son âme

L’impression 3D vend son âme

Le fabricant d'imprimante 3D grand public MakerBot incarnait la possibilité d'un business model basé sur l'open ...

Les préoccupations des industriels n’étaient pas forcément sur la même longueur d’onde. Non pas que ces représentants aient découvert le sujet : travaillant sur la R&D, ils étaient déjà bien sensibilisés. En revanche, les questions de propriété intellectuelle les préoccupent davantage. “Seb était inquiet à l’idée de se faire copier, je leur ai expliqué qu’ils ne pourront pas l’empêcher”.

L’exemple de MakerBot, qui a mis de l’eau propriétaire dans son vin open source, parce que des fonds ont mis gros dessus, n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : pour faire du cash, il faut fermer les modèles ont compris certains dans un raccourci erroné. Les nouveaux outils ne servent à rien si les schémas mentaux et économiques sont toujours ceux du 20e siècle.

Si la Chine ou la Russie se sont déjà engagées dans des plans de subventions à ce type de lieux, tout reste à faire en France. Plus que les sommes mises sur le tapis, l’orientation qui sera choisie sera décisive, création d’euros ou de valeur sociale.

On attend avec impatience le positionnement d’Arnaud Montebourg, qui vantait la troisième révolution industrielle que les fabs labs sont censés porter. Qui sait, François Hollande annoncera peut-être lors de son grand rendez-vous avec la presse :

Moi, président, j’implanterai des fab labs sur toute la France.


Photos par Ophelia Noor. Réalisées au Fac Lab, le fab lab de l’Université de Cergy basé à Gennevilliers, le mercredi 5 décembre 2012.

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Les fab labs en route vers le Grand Soir http://owni.fr/2012/12/04/les-fab-labs-en-route-vers-le-grand-soir/ http://owni.fr/2012/12/04/les-fab-labs-en-route-vers-le-grand-soir/#comments Tue, 04 Dec 2012 15:39:17 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=126922

Conférence de Sabine Blanc sur les Fab Labs au siège du PCF à Paris, le 2 décembre 2012. - cc Ophelia Noor/Loguy (logo via le site officiel des fablab du MIT)

Si le PC vous auditionne aujourd’hui sur les fab labs, c’est d’abord parce que Yann Le Pollotec n’a pas arrêté de nous faire chier. (rires)

Plus sérieusement, le parti s’interroge sur les rapports entre écologie et production. Pierre Laurent, notre secrétaire national, a prononcé un discours important à ce sujet à Lille récemment. On est communiste, donc on est pour le partage. On est communiste, donc on est pour la révolution, et nous avons saisi le caractère révolutionnaire de ces outils présents dans les fab labs.

Hier, j’ai passé trois bonnes heures devant une poignée de membres du Parti communiste français, dont quelques cadres, pour leur expliquer en quoi consistait les fab labs, ces espaces collaboratifs de prototypage rapide nés au MIT qui font fantasmer aussi bien à droite qu’à gauche en raison de leurs supposées vertus à répondre aux défis posés par les crises actuelles. Cette audition était organisée par le LEM, ce Lieu d’Étude sur le Mouvement des idées et des connaissances, think tank (sic) du PC, au siège parisien place Colonel-Fabien, hiératique et surréaliste bulle temporelle tout droit sorti d’un James Bond période Sean Connery.

“Enfin !”, avais-je soupiré quand Yann Le Pollotec m’avait contactée à ce sujet voilà deux mois, suite à un article que j’avais écrit dans Le Monde diplomatique. Que le PCF s’empare avec passion de ces lieux où les citoyens se réapproprient les outils de production et donc les savoir-faire, fab labs mais aussi hackerspaces et makerspaces, me semblait une évidence. Et une opportunité pour donner un coup de fouet à un appareil qui ne brille pas par son image avant-gardiste. Le papier du Monde diplo commençait d’ailleurs par un appel du pied en forme de clin d’œil :

Se réapproprier les moyens de production : Karl Marx en rêvait, un chercheur du Massachusetts Institute of Technology (MIT) l’a fait.

Troisième révolution industrielle

Fête le vous-même !

Fête le vous-même !

Sur le modèle des Maker Faire, ces grands rassemblements dédiés au do it yourself, version moderne du bricolage de nos ...

Avec Yann, le courant est passé très vite. Je précise parce que, comme pas mal de gens, la seule chose qui m’étonne au PC, c’est sa survivance persistante. Alors qu’une élection interne foireuse vient de mettre en l’air la formation qui dirigeait naguère le pays. Ma dernière expérience avait été malheureuse : Owni souhaitait organiser à la Fête de l’Humanité le premier Open Bidouille Camp, un grand rassemblement populaire dédié au bricolage, et en particulier ses avatars modernes boostés au numérique. Nous avions essuyé un refus non motivé.

Informaticien de profession, collaborateur de Jacky Hénin à la commission du Parlement européen sur l’industrie, et permanent du PC, Yann est un peu désolé de la mésaventure, lui qui dépense une partie de son énergie sur ces thématiques. Pour préparer l’audition, il me fait un petit historique. Le message essentiel : pédagogie.

J’ai fait une première intervention là-dessus il y a un an en comité central, la réaction a été : c’est quoi ce truc ?

En guise de métaphore sur le ton à adopter, il m’évoque l’exemple de Galilée plaidant en italien plutôt qu’en latin pour toucher un maximum de gens. Faire le même travail d’explication qu’au moment de l’arrivée de l’Internet grand public.

Conférence sur les fab labs au PCF, un réseau wifi nommé Niemayer et Hello Kitty au PCF. (cc) Ophelia Noor

Lui-même débroussaille le terrain pour ses camarades, comme en témoigne l’épais dossier qu’il me tend. Il a entre autres glissé un paragraphe dans le texte qui servira de base à la discussion au prochain congrès du PC en février et qui est envoyé à tous les adhérents, soit environ 130 000 personnes :

Sous la crise du capitalisme émergent déjà les prémisses d’une troisième révolution industrielle avec l’impression 3D, les machines auto-réplicatives libres, l’open source hardware, les mouvements hackers et maker. Ainsi se créent et se développent des lieux de conception et de proximité en réseau, ouverts et gratuits, où l’on partage savoir et savoir-faire, où l’on crée plutôt qu’on ne consomme, où l’on expérimente et apprend collectivement, où le producteur n’est plus dépossédé de sa création, tels les fab labs qui sont les moteurs de ce mouvement.

Toutes ces avancées portent en elles des possibilités de mise en commun, de partage et de coopération inédite.

En bullshit langage théorique, il est temps au PC de “dépasser la vieille opposition entre les économistes portés sur la révolution informationnelle et ceux qui soutiennent la révolution scientifique et technique, s’enthousiasme Yann, c’est le cœur de la troisième révolution industrielle”.

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Les Fab Labs, ou le néo-artisanat

Fabriquer soi-même ce dont on a besoin, réparer, au lieu de consommer des objets que l'on jette au moindre ...

Au MIT, ça se traduit par le “Center for bits and atoms“, structure créée en 2001 par Neil Gershenfeld pour accompagner le développement des fab labs, “une initiative interdisciplinaire explorant l’interface entre les sciences de l’informatique et les sciences physiques”.

Tâche d’autant plus ardue que le concept de troisième révolution industrielle ne fait pas consensus, y compris au sein du PC : “C’est très centré sur l’énergie, détaille Yann. Il y a aussi la question du capital en suspend. On ne peut pas vivre d’amour et d’eau fraîche, il faut une réponse au salariat.”

Gros blanc

Malgré toutes ces bonnes précautions, il y a eu hier comme qui dirait un choc des cultures, des logiques, des démarches. Parler à des militants dans une logique de parti, je sais pô faire, contrairement à la Fing par exemple. Faire la politique se limite dans mon esprit à écrire des articles sur des sujets qui me semblent porter en germe les fondements de la société de demain, en assumant un coté militant. Passer un peu à la pratique aussi, en organisant des Open Bidouille Camp.

Pour le reste, j’ai une fâcheuse tendance à botter en touche en permanence, de préférence en mode pirouettes faciles. Bref du trolling. Chacun son tour : j’avais moi-même essayé de convaincre Okhin, de Telecomix, qu’il avait une conscience politique, il m’avait répondu dans un éclat de rire : “on est une inconscience politique !”

Conférence sur les Fab Labs au siège du PCF à Paris, le 2 décembre 2012. Avec Sabine Blanc et Yves Dimicoli - cc Ophelia Noor

Après une présentation, le temps d’échange a donc parfois donné lieu à des dialogues de sourds, à l’image de la première longue question posée par Yves Dimicoli, économiste, membre de la commission économie-social-finance du PCF et impeccable moustache à la Frères Jacques. Il parle de “valeur d’usage”, de “maîtrise du processus”, pour finir par :

Comment fait-on pour court-circuiter le marché ?

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Le CAC40 entre dans les “fab labs”

Des grands groupes industriels s'intéressent aux "fab labs", ces mini-usines collaboratives, citoyennes, ouvertes à tous et ...

Et là, gros blanc, vieux souvenirs d’oraux foireux où j’ai mouliné dans ma tête les termes de mon interlocuteur pour constater avec désarroi que mes réponses en forme de Y ne rentrent pas dans sa question en forme de X. Et c’est d’autant moins le cas que :

1/ Je n’ai rien contre le marché et le capitalisme en général.

2/ Comme l’indique clairement leur charte, il n’est pas question avec les fab labs de s’en passer. Certes, Neil Gershenfeld veut “créer plutôt que consommer”, mais ça n’en fait pas pour autant un fils spirituel de Karl Marx.

3/ Il faudrait des heures pour élaborer une réponse complète.

Aussi judicieuses soient-elles, il y a beaucoup d’interventions dont je ne sais si ce sont des observations, des questions, des observations qui amènent réponses. Par exemple Claude Ginin, la soixantaine, petite veste de tweed :

Cela pose la question de la formation, il faut bien apprendre comment marchent les machines pour savoir ce qu’on peut en tirer. [...] Vous avez dit que les fab labs actuellement ne sont pas complètement coupés du marché. Mais du coup, qu’est-ce qui domine ?

Et de relever au passage que le marché n’a pas toujours existé. Il y a aussi cette remarque de Santiago Serrano, adjoint délégué au développement économique et commercial, à l’emploi et aux nouvelles technologies au Blanc-Mesnil, que ne démentiront pas les levées de fonds de Co-voiturage.fr ou MakerBot par exemple :

Il y a le danger du développement d’un marché de la valeur d’usage.

Sabine Blanc sous le feu des questions d'Yves Dimicoli, économiste et membre de la commission économie-social-finance du PCF (cc) Ophelia Noor

Yves Dimicoli relance :

Nous sommes à la recherche d’une nouvelle systémique. Comment on aide à développer ce potentiel ?

Je leur répète que c’est à eux de s’emparer de ces lieux pour leur faire suivre la pente qui leur parait la plus juste. Un peu lassée :

Il y a une valeur importante chez les hackers, ça s’appelle la do-ocracy, le pouvoir à ceux qui font. Organisez des visites, expérimentez, soutenez ceux qui, comme Yann, portent des projets

Parmi les soutiens de Yann, il y a Elvire. Elle souhaite mobiliser les jeunes autour du futur fab lab via la robotique. Le motto de la troisième révolution industrielle l’accroche. Avant l’audition, elle m’a expliqué avant avec franchise :

Ne pas être en retard pour une fois.

Conférence sur les fab labs au siège du PCF à Paris le 2 décembre 2012 (cc) Ophelia Noor

Devant ses camarades, elle précise sa démarche :

Je vois les fab labs comme une plate-forme de réflexion pour réinterroger une population en lui mettant une expérience à disposition : comment se l’approprient-ils ? Créent-ils du lien social ? La détournent-ils ? C’est une mise en abyme. Comment une population peut percevoir une mairie dirigée par un maire communiste ? Ils ne font plus la différence depuis le temps.

Mais au fait que font l’UMP, le PS, les Verts ?

Et si je trolle parfois, si nous ne parlons pas la même langue toujours, c’est avec plaisir que la conversation se poursuivra autour d’une bière. Le sujet les a passionnés visiblement, les enjeux ont été compris, bref le message est passé. Je ne sais pas si l’UMP, le PS ou les écolos ont organisé de semblables débats. Et Michel Laurent, qui s’occupe du LEM, pointe avec justesse les limites de ma démarche du “juste fais-le” et des petits pas : à un moment donné, il faut passer à la vitesse supérieure.

Vous me faites penser à la chanson de Coluche : “je ne promets pas le grand soir, juste à manger et à boire.” C’est bien mais aujourd’hui, ils servent 8 fois plus de repas. Nous, on veut le grand soir.

Et force est de reconnaitre que sur ce terrain, ça se passe plutôt en Chine ou en Russie qu’en France, avec des fonds conséquents investis par l’État. En attendant que mille fab labs fleurissent dans les villes PC, je leur suggère d’en faire un mobile à la prochaine Fête de l’Huma. Au sein d’un Open Bidouille Camp ? Yann se marre :

Il y aura une recommandation du conseil national, même si ça suffit pas forcément !


Photos par Ophelia Noor /-) Toutes les photos sont visibles ici.

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Ce samedi, les enfants ont cours de hacking http://owni.fr/2012/10/12/ce-samedi-les-enfants-ont-cours-de-hacking-hackidemia-ecole/ http://owni.fr/2012/10/12/ce-samedi-les-enfants-ont-cours-de-hacking-hackidemia-ecole/#comments Fri, 12 Oct 2012 13:24:55 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=122104

Après une première édition à Paris en juin, HacKIDemia a bougé à Bucarest en Roumanie en septembre.

À l’HacKIDemia, on n’apprend pas aux enfants à cracker le code de l’ordinateur de leurs géniteurs, non, on leur enseigne les sciences et la technologie par la pratique, en vertu du learning by doing cher aux hackers, ces bidouilleurs créatifs. Ce samedi, dans le cadre de l’Open World Forum (OWF), la deuxième édition française, co-organisée avec La Cantine/Silicon Sentier, proposera plusieurs ateliers pour mettre les menottes dans le cambouis, et aussi les grandes mimines des parents : conception de jeux vidéo, introduction à l’électronique avec le processeur Arduino et de la soudure, robot, graffiti, etc.

Ne vous fiez pas au côté fric de l’OWF, vitrine annuelle de l’Open Source en France qui se tient du côté des Champs-Élysées. Comme se réjouit Clément, membre du hackerspace francilien l’Electrolab qui prête son concours, le but n’est pas de rester entre-soi :

Dès le départ, Stefania vise une diffusion très large, pas uniquement pour nos petites têtes bobo, elle s’organise avec des contributeurs d’un peu partout. À force de passer sa vie dans des avions, elle a des contacts très variés.

La Stefania-voyageuse en question, c’est une jeune pile (open source) déroulant dans un français impeccable son parcours qui l’a menée de sa Roumanie natale à voyager sur tout le globe pour son projet HacKIDemia, après un passage par la Singularity University de Google aux États-Unis.

Le premier HacKIDemia à Paris en juin dernier, avec des élèves de l'internat d'excellence à Marly-le-Roy (78).

Hacker la pédagogie

Hacker la pédagogie

Les médias sociaux font l'objet de fréquents blocages dans les établissements scolaires. Pourtant, en eux-mêmes, ils ne ...

Maman professeur, père ingénieur en électronique, cette mince petite brune prolixe a synthétisé dans son projet les ADN parentaux. Après un master en ingénierie pédagogique et un passage par Erasmus qui l’a rendu polyglotte — 7 langues en tout ! —, elle a atterri chez Google à Dublin pour plancher sur les algorithmes.

Plus que les opérations, elle se passionne pour l’éducation et initie des projets au sein de l’entreprise en Irlande, pour les adultes. Pas vraiment sur la même longueur d’onde que le géant de Moutain View, elle démissionne et, avec ses économies, part faire du volontariat au Cambodge, initier ce qui deviendra HacKIDemia. Avec une ligne claire :

Tu n’aides pas forcément les gens en leur donnant de l’argent. Le Cambodge est le pays avec le plus grand nombre d’ONG, ça handicape ce peuple  à un point pas possible. Je leur ai dit “je ne vais pas vous donner de l’argent, mais vous apprendre pour vous aider à vous en sortir par vous-même”.

Et un modèle, les hackerspaces, ces espaces physiques où les hackers se rencontrent, échangent, mutualisent :

Je veux faire des hackerspaces pour les enfants ! Il y a une innovation qui passe, invisible, mais qui a beaucoup d’impact, alors s’ils échangent avec les enfants…

Une bêta “magique”

Le numéro zéro d’Hackidemia est allumé en juin dernier, avec l’aide François Taddéi, du Centre de Recherche Interdisciplinaire, figure incontournable en France sur la réflexion pédagogique. Dans un lieu emblématique : l’internat d’excellence de Marly-le-Roy, une de ces structures destinées aux élèves défavorisées à fort potentiel. Une bêta qui tient toutes ses promesses. Stefania se souvient :

Les jeunes ne savaient pas trop à quoi s’attendre, ce sont des ados, l’âge où on les perd, ils sont venus en se demandant ce qu’ils allaient faire. À la fin c’était assez magique, on ne pouvait plus les faire partir : “j’ai fait un robot, j’ai fait un robot, il y avait une sorte de lumière dans leurs yeux.”

Benoit Parsy, qui fait des ateliers LEGO Mindstorm (des robots LEGO pour apprendre à coder, ndlr), est venu avec sa fille, elle a 6-7 ans et elle est très forte en programmation, ils ont accepté qu’elle leur apprenne et ils ont fait à leur tour.

Cela été très important pour nous : l’événement a été monté sans budget, nous avons juste contacté les gens qui travaillent avec des jeunes sur Paris, on a pu mesurer la motivation.

"J'ai fait un robot, j'ai fait un robot !"

La jeune femme enchaine avec un saut décisif par Google, non pas l’entreprise mais sa controversée Singularity University, en tant que education teaching fellow. L’institution vouée aux technologies, et non au transhumanisme comme on le croit à tort, se révèle surtout être une belle opportunité pour développer son projet, entre conférences et discussions interminables le soir.

De ce séjour, HacKIDemia en est ressorti avec un staff de trois personnes en plus pour faire des petits partout dans le monde, sur le mode du lab mobile.

Brésil, Niger, Mexique, Australie, Malaisie

Et depuis, ça n’arrête pas. Après Paris, les allumages s’enchaînent : installation d’un fab lab permanent à Sao Paulo au Brésil, à Lagos au Nigeria dans le cadre de Maker Faire Africa, une grande foire au DIY, puis Mexique, Australie et Malaisie en début d’année prochaine. Ils sont souvent sollicités par des structures publiques qui payent le voyage, par exemple au Brésil une école. La communauté visée, enfants mais aussi parents et professeurs, ne payent pas. Des entreprises de l’écosystème croissant du DIY apportent aussi des fonds, conscient de l’intérêt et de l’enjeu.

L’écosystème de demain

Aux côtés de fablab@school, fab lab truck, School Factory ou encore Maker Camp, Hackidemia fait en effet partie de ces projets qui entendent réinventer l’école pour mieux l’adapter au contexte actuel, marqués par de multiples crises : économique et écologique bien sûr mais aussi perte de sens, sentiment de dépossession lié à la disparition des savoir-faire. Ces structures sont aussi autant de terreaux pour que la bidouille d’un week-end deviennent le projet d’une vie et contribuent ainsi à régénérer le système en perdition. Stefania s’emballe :

Le retour à la production locale est un moyen de sortir de la crise, de rendre aux gens la liberté de s’entraider, il faut des hubs d’innovation qui vont s’agrandir et former un écosystème. Il faudrait revenir au système des guildes d’artisans.

Dès le plus jeune âge, il faut donc penser en mode “projet”, comme le souligne Jérôme Saint-Clair, du Graffiti Research Lab, un groupe consacré au renouveau de l’art urbain présent ce samedi :

Il est essentiel d’associer, non pas plus de pratique “téléguidée”, mais davantage de découverte et d’expérimentation afin de permettre aux enfants de chercher des solutions à des problématiques qui leur sont propres (par eux-mêmes ou à l’aide d’un prof ou mentor), de collaborer en partageant leurs connaissances et de développer des projets pensés par eux et pour eux, mariant plusieurs disciplines.

Dans cette nécessité de renouveler l’école, les acteurs extérieurs, agiles, du type HacKIDemia, sont peut-être les mieux à même de faire bouger les choses, comme l’analyse Clément :

Bien, sûr, on n’est pas près de poser un hackerspace/makerspace/fab lab dans chaque établissement scolaire, et il est à peu près aussi vital de proposer ce genre d’activités dans un cadre totalement hors du scolaire aussi pour une autre raison un peu dingue : pour plein de monde, l’école est une corvée… à laquelle tu n’as pas forcément envie d’associer ton action, pour ne pas te griller auprès du public visé.

Reste un enjeu de taille : éviter de finir comme Montessori, douillet nid à progéniture élitiste, mais envahir l’école en douceur.


HacKIDemia, dans le cadre de KIDEXPERIMENT à l’Open World Forum ce samedi, de 11 h 30 à 17 heures, gratuit, inscription recommandée.
Photos CC Flickr [by-nc-nd] PhOtOnQuAnTiQuE

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Les petits bidouilleurs en open source http://owni.fr/2012/09/28/petits-bidouilleurs-enfants-open-source/ http://owni.fr/2012/09/28/petits-bidouilleurs-enfants-open-source/#comments Fri, 28 Sep 2012 14:41:39 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=120874 Open Hardware Summit à New York sur les vertus éducatives de l'open source hardware. Des vertus éducatives dont l'école traditionnelle n'a pas encore pris toute la mesure.]]>

Atelier soudure au Chaos Communication Camp de Berlin, août 2011, (cc) Ophelia Noor

Joey et Sylvia sont des petits monstres. Des petits monstres de générosité, qui portent haut, du bout de leurs bras de 14 et 11 ans les valeurs de l’open source hardware. Pour eux, partager la recette de leurs créations avec d’autres enfants est naturel car cela ne présente que des avantages. Un credo qu’ils ont développé ce jeudi lors de leur conférence à l’Open Hardware Summit à New York, un grand meeting annuel réunissant les figures de proue de ce mouvement.

Vidéos pédagogiques

Le duo n’a pas fait dans les grands discours incantatoire mais s’est exprimé en connaissance de cause. Sur son site, baptisé “Look what’s Joey is making” (“regarder ce que Joey fait”), l’adolescent affiche son slogan :

Ne vous ennuyez pas, faites quelque chose !

On trouve sur sa page le mode de construction de son bouclier Arduino en forme de cube fait avec des LED et ses vidéos pédagogiques pour apprendre à se servir d’un oscilloscope ou bien encore le fonctionnement des LED.

En dépit de son jeune âge, Joey a déjà son (tout petit) business, incarnant en cela la figure américaine du maker, le self-made-man américain qui a fait construit son pays grâce à sa créativité et sa volonté Pour 15 dollars, il est possible d’acquérir son cube Arduino. Après, on ne soupçonnera pas le gamin de se payer des packs de 8°6 avec. Sa marotte, c’est plutôt d’assister à des Maker Faire, ces grandes foires à la bidouille organisée par le magazine américain Make et qui ont essaimé partout dans le monde. Magazine auquel il contribue.

Ses réalisations sont même parvenues aux oreilles de Barack Obama : le président américain a eu droit à une démonstration de son Extreme Marshmallow Cannon dans le cadre de la fête de la science organisé à la Maison Blanche, au cours duquel il a annoncé des fonds pour financer la formation des professeurs de sciences. Si le président est tenté de le faire, le guide est sur Make.

Sans attendre une impulsion d’en haut, Joey a commencé un club de science dans son école pour partager son savoir-faire avec les autres enfants.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“Super-Awesome” Sylvia n’est pas en reste : pour la troisième année, elle fait une émission sur YouTube avec son père “TechNinja”, Sylvia’s Super-Awesome Maker Show. Pas d’atelier Barbie ou Hello Kitty DIY mais des tutoriels pour utiliser Arduino, le très populaire micro-contrôleur open source, construire des fusées ou faire de la couture. Le tout avec le label Make Magazine. Comme Joey, Maker Faire est son Disneyland, au point de crowdfunder, avec succès son voyage à l’édition new-yorkaise ce mois-ci.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mitch Altman, apôtre de longue date de l’open hardware, transmetteur inlassable de son savoir-faire à des enfants (et leurs parents) dans des ateliers, détaille les atouts de ce process :

Quand l’open hardware est disponible, les gens vont apprendre grâce à lui. En particulier quand la documentation est écrite avec des visées pédagogiques en tête, comme par exemple toute celle de mes projets et de ceux d’Adafruit (une plate-forme communautaire de vente et de partage dédiée à l’électronique, ndlr).

J’ai souvent dirigé les gens vers ma documentation quand ils demandent comment apprendre sur les différents aspects des micro-contrôleurs. Et ils m’ont souvent répondu qu’ils appréciaient vraiment ma documentation bien écrite car elle les aide beaucoup à apprendre.

Beaucoup de projets open source ont des communautés d’utilisateurs (et même leur propre forum) avec des niveaux de compétence variés et qui s’entraident en ligne ou en personne. Cela est beaucoup plus difficile à réaliser quand des avocats de projets propriétaires veulent empêcher les gens d’apprendre à utiliser leur “propriété intellectuelle”(plutôt que de la partager).

Initiatives individuelles peu soutenues

Pourtant, l’école ne semble pas avoir pris la mesure du mouvement. Derrière leur côté “petits cracs du DIY coachés par leurs parents” qui peut agacer, Joey, Sylvia et d’autres, mettent en œuvre une vision de l’apprentissage que n’épouse pas forcément le système éducatif occidental, reflet d’une société façonnée par les logiques propriétaires. Lorsqu’on lui demande si son école encourage l’open hardware, Joey répond par la négative. L’adolescent qui affirme “ne pas être un grand fan de l’école” démontre pourtant que c’est une voie très fructueuse.

James Carlson, créateur de School factory, une association américaine qui développe des espaces éducatifs communautaires du type makerspace, renchérit :

Les écoles sont de plus en intéressées par l’open hardware mais elles sont en retard. De façon individuelle, des professeurs mettent en place des ateliers dans le domaine des STEM (Science, Technologie, Engineering et Math, ndlr) et apprennent aux enfants à créer en recourant à l’open hardware mais ils ne sont souvent pas soutenus. C’est nouveau et donc mal compris.

Une telle démarche surprend, à commencer par la maman même de Joey :

Il ne voulait faire que de l’open source. Il aime que, quoi que les gens fassent, tu puisses apprendre de leurs créations, et  compléter, c’est vraiment la meilleure façon d’apprendre. Je n’ai pas compris au début mais maintenant oui… c’est la seule façon d’avancer !

Le privé en renfort

Faute que l’école s’empare de l’opportunité, James souligne que des communautés et des associations se sont mises sur le créneau, comme les makerspaces/hackerspaces. La dernière génération est un terreau propice, qu’il faut cultiver :

Elle est davantage encline à partager ses idées. Je pense qu’elle réalise que nous profitons tous de plus d’ouverture et de collaboration.

En même temps, nous avons la responsabilité d’enseigner aux jeunes générations ce que la transparence et l’ouverture peut leur apporter, ainsi qu’à la société.

Parmi les initiatives dans ce sens, l’incontournable Make se montre très actif. Cet été, il a organisé un Maker camp, “un camp DIY virtuel” à l’attention des enfants qui ne partent pas en vacances. Le concept ? Chaque matin, une figure de l’open source hardware explique comment fabriquer un projet, donne ses petites astuces Le soir, ce “conseiller” revient avec les participants sur la réalisation du projet et peuvent montrer leurs photos. Parmi les intervenants, Joey, Limor “Ladyada” Fried, la fondatrice d’Adafruit, le CERN et Dale Dougherty en personne. Le tout avec le soutien de Google.


Photographie Ophelia Noor (Atelier soudure au Chaos Communication Camp de Berlin, août 2011.)

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On a bien fait la bidouille à la française ! http://owni.fr/2012/09/24/on-a-bien-fait-la-bidouille-a-la-francaise/ http://owni.fr/2012/09/24/on-a-bien-fait-la-bidouille-a-la-francaise/#comments Mon, 24 Sep 2012 15:13:26 +0000 S.Blanc, A.Fradin, O.Noor http://owni.fr/?p=120694

Le plateau de jeu géant de l'asso UnderConstruction a fait le bonheur des grands enfants. Le but, voyager dans le temps de 1800 à nos jours pour découvrir les nouvelles technologies et leurs impacts dans les champs écologiques, sociaux, militants. - (cc) Ophelia Noor

On l’avait promis, de bonne foi, vendredi : samedi en fin de journée, il y aurait un beau reportage composé à quatre mains et un appareil photo sur le premier Open Bidouille Camp, que nous co-organisions avec nos amis de la Cantineet de Small Bang à Mains d’Œuvres à Saint-Ouen. Samedi soir, il n’y avait rien dans le back-office, pas même un début d’article. Ni même à 10 heures le lendemain. Certains rigolent déjà peut-être : ben voyons, elles ont préféré faire mumuse avec les LEGO ou bien vadrouiller en vélo électrique, et puis elles ont participé à l’atelier pâtes fraîches et ça a fini vautrées dans un canapé, une bonne assiette de ravioli ricotta-épinard dans le ventre, le tout arrosé de Club-Mate.

Fête le vous-même !

Fête le vous-même !

Sur le modèle des Maker Faire, ces grands rassemblements dédiés au do it yourself, version moderne du bricolage de nos ...

Des LEGO, nous vîmes trois briques en passant lors du démontage des stands, le vélo, pourtant installé devant nous, était caché par la masse des curieux, les pâtes, c’est vrai, on a eu une assiette, enfin une dizaine de bouchées qu’une âme charitable nous a amené à 16 heures au bar. La seule chose de juste, c’est qu’on a enfilé les bouteilles de Club-Mate, la très caféinée boisson préférée des hackers.

Car cette “première fête-le vous-même” a été un succès. À titre d’exemple, en bons adeptes du datajournalisme, citons un chiffre : nous n’avons pas profité de l’événement car nous avons préparé 170 sandwiches. Quant au nombre de cafés versés, de bouteilles de Mate décapsulées, nous avons perdu le compte au bout de deux heures. Les commandes s’enchaînaient si vite que nous n’avons pas eu le temps de donner à la Débrouille Compagnie les capsules et les bouteilles vides sur lesquelles elle lorgnait pour ses ateliers récupération.

Ouvrir le capot et réenchanter le monde

En guise de pause, je (Sabine) suis allée animer la conférence. Je pensais marcher au moins quelques mètres, du bar à la scène pour détendre mes jambes de barmaid d’un jour : espoir déçu, il fallait se frayer un passage parmi la foule massée dans la seconde salle, captivée par les machines à émerveillement apportées par différents fab labs. Une conférence qui a permis de voir ce qui liait tous ces ateliers issus aussi bien du monde des hackers que de la récupération ou de l’éducation populaire. Ce sentiment que nous arrivons à un tournant crucial et que les lendemains peuvent encore gazouiller si nous retrouvons, ensemble, du sens, en particulier en se réappropriant les savoirs-faire, pour réenchanter notre monde.

Benoît Parsy et son atelier post-prandial de programmation de robots en LEGO® - (cc) Ophelia Noor

Ce n’est pas tant la foule qui nous a réjouis que sa composition : l’enjeu était de dépasser le cercle fermé des geeks numériques. Faute d’avoir pu échanger beaucoup avec le public, fions-nous à quelques indices pour savoir si nous sommes sortis de notre microcosme. Déjà le retour des stands.

Le Fac Lab nous a ainsi expliqué que beaucoup de gens étaient présents dans un esprit de découverte. En espérant que l’essai soit transformé au fab lab directement. “Indéniablement, oui, témoigne Benoit Parsy, l’homme LEGO. Une cinquantaine de personnes sont passées, des mamans et des papas intéressés par l’outil pédagogique et l’ouverture à la programmation derrière le jouet, des geeks qui ont voulu mettre les mains dans le cambouis et ont programmé/hacké les robots et d’autres qui posaient des questions plus techniques (15), des enfants qui ont programmé effectivement un robot, des enfants qui ont joué avec les robots, une bonne dizaine… “

Jerry Can ou le serveur-ordinateur personnalisable et nomade dans un... jerrycan. Logiciel libre, matériaux de récupération, et les plans qui sont mis à la disposition de tous. (cc) Ophelia Noor

Romain, de JerryCan, poursuit :

J’ai parlé à plein de gens différents, des gens du quartier parfois assez âgés, beaucoup de jeunes couples, des papas un peu geeks qui montrent à leurs enfants, bref je suis bien sûr qu’on a tous vu la même chose, globalement peu de barbes.

Apparemment, nous avons aussi bénéficié du calendrier : le même jour avait lieu la fête de la ville, drainant le public vers Mains d’Œuvres.

Et sur Twitter, le hashtag #OBCamp n’a pas été beaucoup utilisé, alors que d’ordinaire, les événements de “geek” sont abondamment relayés sur le site de micro-blogging.

Jérôme Saint-Clair, du Graffiti Research Lab, souligne aussi un autre intérêt, côté organisateurs cette fois-ci

Cela nous a permis de rencontrer des organisateurs d’événements (ateliers,… ) qui souhaitent mettre en avant ce type de technologies/philosophies et donc permet d’atteindre les non initiés à postériori.
Ce type d’événement permet aussi aux acteurs de ce mouvement de se retrouver IRL et de mettre un visage sur des pseudos. Ceci a pour effet de nouer un peu mieux connaissance, d’échanger et permet parfois d’envisager des collaborations entre domaines connexes.

Martin (au centre) du Graffiti Reseach Lab, les mains dans le cambouis pendant la conférence de l'OBCAMP. (cc) Ophelia Noor

Merci, merci !

Nous remercions tous nos sponsors, Etsy, la Fonderie, Kiss Kiss Bank Bank, et nos partenaires médias DailyMotion, le Mouv’ et l’Atelier des médias. Sans oublier les contributeurs de notre collecte sur la plate-forme de crowdfunding. Les 63 donateurs nous ont permis d’atteindre 147% de notre objectif, avec au passage un mécène surprise, Digitalarti. Autant de mini-sponsors que nous avons remerciés en public en citant leurs noms sur scène.

Décidément, les Internets sont une bien belle invention. Yann Guégan, notre confrère de Rue89, a réalisé “bidouillé” une vidéo sur des ateliers :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

et Flo Laval a offert un joli clip de remerciement :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)
Les photos de la galerie sont ici.

Et le toujours très actif Nicolas Loubet, de Knowtex, a eu la bonne idée de faire un Storify pendant qu’on éclusait nos stocks de pâté et d’emmental :

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Made in ma bibliothèque http://owni.fr/2012/07/10/made-in-my-bibliotheque/ http://owni.fr/2012/07/10/made-in-my-bibliotheque/#comments Tue, 10 Jul 2012 09:47:33 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=115778

Entrailles de MakerBot par Bre Pettis -cc-

Début juillet, la bibliothèque de la petite ville de Westport aux États-Unis a inauguré un nouvel espace. De nouveaux fauteuils plus confortables ? Non, un makerspace, ces lieux où les gens fabriquent des objets.  Quelques mois plus tôt, la Fayetteville Free Library (FFL) avait, la première, entamé ce projet, avec son fabulous laboratory, un clin d’œil aux fabrication laboratories du MIT, un concept similaire mais avec des contraintes.

Ces deux initiatives augurent d’une évolution du rôle des bibliothèques. Après avoir facilité l’accès à Internet et aux outils médiatiques, elles se mettent à accompagner leurs publics dans leurs envies de création. En mai, un symposium intitulé de façon éloquente “Made in a Library” y a même été consacré, à l’initiative de l’Online Computer Library Center (OCLC) et  du Library Journal. Genèse de cette mue par Lauren Britton Smedley, “directrice du développement translittéraire” (sic), à l’origine de l’idée :

J’ai d’abord appris sur l’impression 3D dans un cours intitulé “innovation dans les bibliothèques publiques” à l’université de Syracuse, où je travaillais mon master en sciences de l’information et des bibliothèques. J’ai écrit un projet de fab lab ou de makerspace dans une bibliothèque publique… Sue Considine (la directrice exécutive de la FFL, NDLR) a aimé l’idée et m’a embauchée pour la mettre en œuvre à la FFL.

Les bibliothèques publiques sont là pour fournir un accès libre et ouvert à l’information, aux technologies et aux idées. Construire un makerspace (ce que nous appelons un Fabulous Laboratory) à la FFL offrira à notre communauté la possibilité d’avoir un accès à cette technologie qui change le monde.

Aider les usagers à créer

20 commandements pour une société autofabriquée

20 commandements pour une société autofabriquée

Pour accompagner la révolution des FabLabs, permettant à chacun de produire des objets grâce à des imprimantes 3D et ...

La technologie en question, c’est la fabrication numérique, ce processus par lequel on transforme des plans conçus sur un ordinateur en des objets bien tangibles, en s’aidant de machines-outils assistées par ordinateur : imprimante 3D, fraiseuse, découpe laser, etc. Celle qui démultiplie les possibilités offertes par la bidouille, le DIY (Do It Yourself). C’est le “from bits to atom” (des bits aux atomes), que certains considèrent comme la prochaine révolution industrielle.

Une révolution qui touche aussi les individus dans leur capacité à créer en fonction de leurs envies, grâce à la démocratisation des outils et à la puissance (potentielle) de partage et d’entraide d’Internet. Aux États-Unis, c’est un véritable phénomène de société, incarnée par le mouvement des makers, qui exalte l’inventivité personnelle. Maxine Bleiweis, le directeur de la bibliothèque de Westport, est fier que son établissement monte en pionnier dans ce train  :

C’est une tendance nationale que vous allez voir balayer le pays et vous voyez ici un de ses tout premiers lieux.

Le lieu du fablab de Fayetteville encore en travaux en janvier 2012 -cc-Theron Trowbridge

Cette révolution s’effectue en douceur dans les makerspaces, hackerspaces, fab labs et autres techshops, en plein essor depuis quelques années. Les ponts se sont créés, naturellement, détaille Lauren Britton :

Je travaille et j’échange avec beaucoup de makerspaces à travers le pays. Et aussi quelques hackerspaces. Par exemple, Bre Pettis, de NYCResistor, un des créateurs de la MakerBot (un modèle d’imprimante 3D grand public open source très populaire, NDLR). Nous avons eu beaucoup de conversations sur ce qui trouve sa place dans un makerspace de ce type.

Et d’autres gens des makerspaces de Detroit, et j’ai beaucoup lu dessus… Il faut à la fois répondre aux besoins de la communauté et toucher les gens qui ont fait cela avant.

Service public et €€

Aux États-Unis, cette implémentation se justifie d’autant plus que lesdits espaces ont souvent un accès (cher) payant, contrairement à la France, alors que les bibliothèques publiques offrent leurs services pour un abonnement modique. Toutefois, le concept n’est pas dénué de considérations entrepreneuriales. À la FFL, le fab lab côtoiera… un centre d’affaires. Le tout forme un “creation lab” dévoilé fin juin, qui soulève certaines espérances si l’on en croit le montant de la bourse accordée par le sénateur de l’État de New York : 250 000 dollars. Les entrepreneurs du coin pourront donc venir, gratuitement aussi pour le moment et dans la mesure du possible, le business model n’étant pas fixé.

Cette fonction d’incubateur de start-up est devenue classique dans ce type d’espace. Elle remonte en fait à la belle époque des hackers de hardware. Comme le rappelait Dale Dougherty, le héraut de la communauté des makers, Apple est né dans un club d’informatique qui préfigurait les hackerspaces, le célèbre Homebrew Computer Club.

À en juger les nombreuses sollicitations reçues par Lauren Britton Smedley, les makerspaces devraient fleurir dans les bibliothèques américaines. En revanche en France, il faudra attendre un peu. Apparemment, seule la médiathèque de Toulouse a fait un pas dans ce sens. Fin juin, le temps d’une journée spéciale, le fab lab Artilect et le hackerspace Tetalab avaient posé leurs imprimantes 3D.  Avec un certain succès.


Photos de la Fayetteville Free Library par Theron Trowbridge (cc-bync) et entrailles de la MakerBot par Bre Pettis (cc-bync)

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Des hackers séduits par le Pentagone http://owni.fr/2012/04/06/les-liaisons-ambigues-des-hackers-avec-larmee/ http://owni.fr/2012/04/06/les-liaisons-ambigues-des-hackers-avec-larmee/#comments Fri, 06 Apr 2012 17:14:06 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=104993

Petit coup de tonnerre dans la communauté hackers/makers, ces adeptes de la bidouille créative : Mitch Altman, gourou respecté du DIY (Do it yourself, fais-le toi-même), co-fondateur du hackerspace de San Francisco Noisebridge, a déclaré publiquement sur la mailing list de hackerspaces.org qu’il ne participerait pas au Maker Faire, LE raout annuel des makers qui avait rassemblé 100 000 personnes lors de sa dernière édition en Californie.

En cause, ce qu’il considère comme une compromission de Maker Faire avec la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa), l’agence de recherche et développement du Pentagone :

C’est officiel. Je suis très attristé de ne pas pouvoir aider cette année Maker Faire après qu’ils ont postulé et obtenu une bourse de la Darpa. J’attends avec impatience de travailler et m’amuser de nouveau à Maker Faire, dès qu’ils ne collaboreront plus avec la Darpa.

Hacker qui bat

Hacker qui bat

Mitch Altman, 55ans, prince des hackers au beau visage serein, est de passage en France. Après des rencontres à Rennes, la ...

Cette bourse concerne un programme éducatif de la Darpa baptisé Mentor (Manufacturing Experimentation and Outreach) visant à la création de nouveaux outils de design et de pratiques collaboratives de fabrication à destination des étudiants. Il s’inscrit dans un projet plus global, Adaptive Vehicle Make, dont le but est de “révolutionner la façon dont les systèmes de défense et les véhicules sont conçus.”

Dans le même temps, Jerry Isdale, membre du hackerspace hawaien Mauimakers annonçait avec joie que le hacker space program, un projet international d’exploration de l’espace, avait été retenu par la Darpa pour négocier un contrat. Cash, dans tous les sens du terme :

Ceux qui veulent descendre en flamme le fait de recevoir de l’argent du gouvernement peuvent le faire.  On ne vous donnera pas d’argent.

Deux annonces qui ont suscité des réactions, entre autres sur la mailing list, symptomatiques du lien ambigu que la communauté entretient avec la prestigieuse Darpa, entre considérations morales, financières et patriotiques. Et au-delà sur le degré de politisation. Pour Mathilde Berchon, qui s’est immergée plusieurs mois dans la communauté des makers de San Francisco :

Le débat montre le clivage entre les vrais hackers, plus politisés, militants, certains sont même anarchistes, et l’essentiel des troupes, qui se reconnait davantage dans la communauté maker. Le type-même, c’est le bon père de famille qui bricole dans son garage en buvant de la bière, qui aime son pays et veut le défendre, sans être un gros lourd patriote. Avec cette bourse, Make prend le risque de se couper de la frange la plus radicale.

In fine, ce pavé dans la mare qui oblige tout le monde à prendre position redessinerait une ligne de clivage qui tend à s’effacer entre hackers plus subversifs et makers davantage dans le rang.

Botter en touche

Dale Dougherty, figure non moins emblématique de la communauté, co-fondateur de l’éditeur de manuels de programmation O’Reilly media et du magazine Make, organisateur de Maker Faire, justifiait très vite dans un long billet son choix, tout en disant respecter la décision de Mitch :

Notre programme encourag[e] les écoles à impliquer davantage les enfants dans le “faire”, en créant des makerspaces et en fournissant un accès à ces outils pour les projets d’étudiants, et à utiliser Maker Faire pour diffuser plus de travaux d’étudiants.

Nous avons été motivés pour postuler à la bourse de la Darpa par la déclaration suivante qui faisait partie du programme Mentor : “un des plus grands défis auquel nous faisons face en tant que nation est le déclin de notre capacité à fabriquer des choses.”. Dr Regina Dugan, alors directrice de la Darpa.

“En tant que nation” : car le programme se limite aux écoles américaines, et tant pis si l’éthique hacker se fiche de la notion de frontière. Dale Dougherty met fin au passage à des “spéculations” qui ont circulé dans le milieu : oui, les logiciels seront bien développés en open source, c’est une exigence du programme ; non, le travail des étudiants ne sera pas la propriété de la Darpa ; oui, des militaires ont bien participé à Maker Faire à Detroit ; oui, ils travaillent avec la Nasa, le ministère de l’Education et la National Science Foundation parce que “si vous voulez travailler dans l’éducation, vous devez travailler dans le gouvernement.”

Tout en rappelant bien que les fonds de la Darpa ne représentent qu’une facette de leurs activités éducatives. Mais ce qui gêne Mitch Altman et bien d’autres, c’est que la Darpa fait partie du complexe militaro-industriel. Un point que Dale Dougherty n’évoque pas son article, comme le faisait remarquer un membre du hackerspace californien HeatSync sur la mailing list de hackerspaces.org. Ce qui lui vaudra de se faire traiter de “noble troll” (sic).

Ses arguments reviennent à dire “la fin justifie les moyens”. Il ignore les objections sur le complexe militaro-industriel, et nous rassure à la place en nous parlant d’open source. Pourquoi les militaires devraient financer l’éducation alors que les dépenses militaires ont été astronomiques mais les dépenses d’éducation fortement réduites cette dernière décennie ?

Dale Dougherty ne fait que botter en touche  :

Le MIT est connu pour avoir produit plus d’un hacker. Le MIT produit aussi des ingénieurs qui travaillent dans une multitude de champs, y compris dans l’armée. C’est vrai de toute université qui forme des scientifiques et des ingénieurs aux États-Unis.

Mathilde Berchon a un point de vue nuancé sur Dale Dougherty :

Il croit que ses idéaux sont si forts qu’ils ne se laisseront pas manger.

Bisounours

En face, on oppose aussi le côté Bisounours du “puriste” Mitch Altman, qu’il est facile de renvoyer à ses arguments plus blancs que blancs : si l’on suit son raisonnement, il ne faudrait plus utiliser Internet, qui est l’avatar moderne d’Arpanet, le réseau de communication a été mis en place pour relier les universités collaborant avec la Darpa. Il a donc un bon gros gène militaire.

Jerry Isdale, notre hacker enthousiaste à l’idée de recevoir des fonds de la Darpa pour le hacker space program y va de sa pique toujours sur la même mailing list, en mode jésuite mal dégrossi :

Désolé mais je suis un peu troublé par la décision de Mitch [qui va aussi ] se rendre en Chine et assister au Maker Carnival, etc. L’État  socialiste/communiste chinois, en tant qu’État socialiste/communiste, est très investi dans l’industrie, le tourisme, le secteur militaire et les occupation d’anciens pays, le Tibet par exemple. La Chine essaye d’améliorer sa sécurité intérieure et son armée grâce aux technologies occidentales. Aller en Chine est autant un soutien à la répression au Tibet qu’aller à Maker Faire l’est au département américain  de la défense.

Un mythe débauché par la Darpa

Ces échanges virulents, parfois violents, passionnés se poursuivront de visu. Mitch Altman a l’intention de faire un débat lors de la conférence HOPE #9 (Hackers on planet Earth), qui aura lieu à New York en juillet. Et il compte bien faire venir un vieux de la vieille qui en sait long sur le sujet : rien moins que Mudge, figure mythique débauchée par Darpa.

Petit retour dans le passé. En 1998, les membres du hackerspace le L0pht à Boston expliquent au Sénat américain qu’ils peuvent éteindre Internet en trente minutes. Parmi cette fine fleur des hackers tendance hardcore, on trouve Mudge, Peiter Zatko de son vrai nom, également membre du célèbre Cult of the dead cow. Loin d’être une provocation sans fond, il s’agit de mettre en garde le gouvernement contre les failles de sécurité informatique.

Mudge, comme d’autres hackers, continuera de collaborer avec l’État américain. À tel point qu’il travaille depuis 2010 pour Darpa, qui l’a embauché comme chef de programme pour la cybersecurité dans le cadre du projet Cinder (Cyber Insider Threat). Son objectif ? Empêcher qu’un nouveau WikiLeaks fasse des ravages. Il est aussi à l’initiative du programme Cyber Fast Track, lancé l’année dernière, qui fait ostensiblement de l’œil aux hackers. Visant des contrats courts, CFT opère en mode agile, avec un délai de sept jours pour donner le go à une proposition. Inutile de dire que le concept a fait parler de lui dans la communauté.

Crédit photos CC Flickr Paternité The U.S. Army, Orin Zebest et tibchris

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Naissance d’un mythe de la bidouille http://owni.fr/2011/12/16/arduino-naissance-mythe-bidouille/ http://owni.fr/2011/12/16/arduino-naissance-mythe-bidouille/#comments Fri, 16 Dec 2011 18:01:18 +0000 aKa (Framasoft) http://owni.fr/?p=90471 Arduino

L’histoire retiendra que c’est dans un bar d’une petite ville du nord de l’Italie qu’est né le projet Arduino qui, de manière totalement inattendue, est en train de révolutionner le domaine de l’électronique à l’échelle mondiale, puisque pour la première fois tout le monde peut vraiment s’y essayer et découvrir qu’il aime ça !

L’histoire retiendra également que rien de tout ceci n’aurait été possible sans le choix initial des licences libres qui a conditionné non seulement son bas prix et sa massive diffusion mais également son approche et son état d’esprit.

Acteur et non consommateur, on retrouve ici le goût de comprendre, créer et faire des choses ensemble. Concepts simple et plein de bon sens mais que notre époqu’Apple a fortement tendance à oublier.

PS : Ceci est la troisième traduction de suite initiée sur Twitter/Identica et réalisée dans un Framapad. Je remercie vivement tous les volontaires qui ont bossé dur hier soir pour arriver à un résultat d’un étonnante qualité quand on pense que les invitations sont ouvertes à tout le monde. On se donne rendez-vous, on communique, on se met d’accord sur tel ou tel passage via le chat intégré… au final on passe un moment ponctuel et commun agréable tout en travaillant (bénévolement). Je reste fasciné par le dynamisme et la bienveillance des gens et par la capacité d’Internet à favoriser cela. Si vous voulez vous aussi participer aux prochaines, il suffit de me suivre sur Twitter ou Identica avec le hashtag (que je viens d’inventer) « #EnFrSprint ».

La genèse d’Arduino

The making of Arduino

David Kushner – Octobre 2011 – Spectrum
(Traduction Framalang : Yoha, Keyln, Fab et Luc)

Ou comment cinq amis ont conçu la petite carte électronique qui a bouleversé le monde du DIY (Do It Yourself – Faites-le vous-même).

La pittoresque ville d’Ivrea, qui chevauche la rivière bleue-verte Dora Baltea au nord de l’Italie, est connue pour ses rois déchus. En l’an 1002, le roi Arduin (Arduino en italien) devint le seigneur du pays, pour être détrôné par Henri II d’Allemagne, deux ans plus tard. Aujourd’hui, le Bar di Re Arduino, un bar dans une rue pavée de la ville, honore sa mémoire, et c’est là qu’un nouveau roi inattendu naquit.

C’est en l’honneur de ce bar où Massimo Banzi a pour habitude d’étancher sa soif que fut nommé le projet électronique Arduino (dont il est le cofondateur). Arduino est une carte microcontrôleur à bas prix qui permet — même aux novices — de faire des choses époustouflantes. Vous pouvez connecter l’Arduino à toutes sortes de capteurs, lampes, moteurs, et autres appareils, et vous servir d’un logiciel facile à appréhender pour programmer le comportement de votre création. Vous pouvez construire un affichage interactif, ou un robot mobile, puis en partager les plans avec le monde entier en les postant sur Internet.

Sorti en 2005 comme un modeste outil pour les étudiants de Banzi à l’Interaction Design Institute Ivrea (IDII), Arduino a initié une révolution DIY dans l’électronique à l’échelle mondiale. Vous pouvez acheter une carte Arduino pour seulement 30 dollars ou vous construire la vôtre à partir de rien : tous les schémas électroniques et le code source sont disponibles gratuitement sous des licences libres. Le résultat en est qu’Arduino est devenu le projet le plus influent de son époque dans le monde du matériel libre.

Le couteau suisse rêvé devenu réalité

La petite carte est désormais devenu le couteau suisse de nombreux artistes, passionnés, étudiants, et tous ceux qui rêvaient d’un tel gadget. Plus de 250 000 cartes Arduino ont été vendues à travers le monde — sans compter celles construites à la maison. “Cela a permis aux gens de faire des choses qu’ils n’auraient pas pu faire autrement”, explique David A. Mellis, ancien étudiant à l’IDII et diplômé au MIT Media Lab, actuellement développeur en chef de la partie logicielle d’Arduino.

On trouve des alcootests, des cubes à DEL, des systèmes de domotique, des afficheurs Twitter et même des kits d’analyse ADN basés sur Arduino. Il y a des soirées Arduino et des clubs Arduino. Google a récemment publié un kit de développement basé sur Arduino pour ses smartphones Android. Comme le dit Dale Dougherty, l’éditeur et rédacteur du magazine Make, la bible des créateurs passionnés. Arduino est devenu “la partie intelligente dans les projets créatifs”.

Mais Arduino n’est pas qu’un projet open source ayant pour but de rendre la technologie plus accessible. C’est aussi une startup conduite par Banzi et un groupe d’amis, qui fait face à un challenge que même leur carte magique ne peut résoudre : comment survivre au succès et s’élargir. Banzi m’explique :

Nous devons passer à l’étape suivante, et devenir une entreprise établie.

arduino gps

Arduino a soulevé un autre défi formidable : comment apprendre aux étudiants à créer rapidement de l’électronique. En 2002, Banzi, un architecte logiciel barbu et avunculaire [NDT : qui ressemble à un oncle] y a été amené par l’IDII en tant que professeur associé pour promouvoir de nouvelles approches pour la conception interactive — un champ naissant parfois connu sous le nom d’informatique physique. Mais avec un budget se réduisant et un temps d’enseignement limité, ses options de choix d’outils étaient rares.

Comme beaucoup de ses collègues, Banzi se reposait sur le BASIC Stamp, un microcontrôleur créé et utilisé par l’entreprise californienne Parallax depuis près de 10 ans. Codé avec le langage BASIC, le Stamp était comme un tout petit circuit, embarquant l’essentiel : une alimentation, un microcontrôleur, de la mémoire et des ports d’entrée/sortie pour y connecter du matériel. Mais le BASIC Stamp avait deux problèmes auxquels Banzi se confronta : il n’avait pas assez de puissance de calcul pour certains des projets que ses étudiants avaient en tête, et il était aussi un peu trop cher — une carte avec les parties basiques pouvait coûter jusqu’à 100 dollars. Il avait aussi besoin de quelque chose qui puisse tourner sur Macintosh, omniprésents parmi les designers de l’IDII. Et s’ils concevaient eux-mêmes une carte qui répondrait à leurs besoins ?

Un collègue de Banzi au MIT avait développé un langage de programmation intuitif, du nom de Processing. Processing gagna rapidement en popularité, parce qu’il permettait aux programmeurs sans expérience de créer des infographies complexes et de toute beauté. Une des raisons de son succès était l’environnement de développement extrêmement facile à utiliser. Banzi se demanda s’il pourrait créer un logiciel similaire pour programmer un microcontrôleur, plutôt que des images sur l’écran.

Un étudiant du programme, Henando Barragán, fit les premiers pas dans cette direction. Il développa un prototype de plateforme, Wiring, qui comprenait un environnement de développement facile à appréhender et un circuit imprimé prêt-à-l’emploi. C’était un projet prometteur — encore en activité à ce jour — mais Banzi pensait déjà plus grand : il voulait faire une plate-forme encore plus simple, moins chère et plus facile à utiliser.

Banzi et ses collaborateurs croyaient fermement en l’open source. Puisque l’objectif était de mettre au point une plateforme rapide et facile d’accès, ils se sont dit qu’il vaudrait mieux ouvrir le projet au plus de personnes possibles plutôt que de le garder fermé. Un autre facteur qui a contribué à cette décision est que, après cinq ans de fonctionnement, l’IDII manquait de fonds et allait fermer ses portes. Les membres de la faculté craignaient que leurs projets n’y survivent pas ou soient détournés. Banzi se souvient :

Alors on s’est dit : oublions ça, rendons-le open source !

Le modèle de l’open source a longtemps été utilisé pour aider à l’innovation logicielle, mais pas matérielle. Pour que cela fonctionne, il leur fallait trouver une licence appropriée pour leur carte électronique. Après quelques recherches, ils se rendirent compte que s’ils regardaient leur projet sous un autre œil, ils pouvaient utiliser une licence Creative Commons, une organisation à but non-lucratif dont les contrats sont habituellement utilisés pour les travaux artistiques comme la musique et les écrits. Banzi argumente :

Vous pouvez penser le matériel comme un élément culturel que vous voulez partager avec d’autres personnes.

arduino schema

Aussi bon marché qu’un repas dans une pizzeria

Le groupe avait pour objectif de conception un prix particulier, accessible aux étudiants, de 30$. “Il fallait que ce soit équivalent à un repas dans une pizzeria” raconte Banzi. Ils voulaient aussi faire quelque chose de surprenant qui pourrait se démarquer et que les geeks chevronnés trouveraient cool. Puisque les autres circuits imprimés sont souvent verts, ils feraient le leur bleu ; puisque les constructeurs économisaient sur les broches d’entrée et de sortie, ils en ajouteraient plein à leur circuit. Comme touche finale, ils ajoutèrent une petite carte de l’Italie au dos de la carte. “Une grande partie des choix de conception paraîtraient étranges à un vrai ingénieur, se moque savamment Banzi, mais je ne suis pas un vrai ingénieur, donc je l’ai fait n’importe comment !”

Pour l’un des vrais ingénieurs de l’équipe, Gianluca Martino, la conception inhabituelle, entre chirurgie et boucherie, était une illumination. Martino la décrit comme une “nouvelle manière de penser l’électronique, non pas de façon professionnelle, où vous devez compter vos électrodes, mais dans une optique DIY.”

Le produit que l’équipe créa se constituait d’éléments bon marchés qui pourraient être trouvés facilement si les utilisateurs voulaient construire leurs propres cartes (par exemple, le microcontrôleur ATmega328). Cependant, une décision clé fut de s’assurer que ce soit, en grande partie, plug-and-play : ainsi quelqu’un pourrait la sortir de la boîte, la brancher, et l’utiliser immédiatement. Les cartes telles que la BASIC Stamp demandaient à ce que les adeptes de DIY achètent une dizaine d’autres éléments à ajouter au prix final. Mais pour la leur, l’utilisateur pourrait tout simplement connecter un câble USB de la carte à l’ordinateur — Mac, PC ou Linux — pour la programmer. Un autre membre de l’équipe, David Cuartielles, ingénieur en télécommunications, nous dit :

La philosophie derrière Arduino est que si vous voulez apprendre l’électronique, vous devriez être capable d’apprendre par la pratique dès le premier jour, au lieu de commencer par apprendre l’algèbre.

L’équipe testa bientôt cette philosophie. Ils remirent 300 circuits imprimés nus (sans composants) aux étudiants de l’IDII avec une consigne simple : regardez les instructions de montage en ligne, construisez votre propre carte et utilisez-la pour faire quelque chose. Un des premiers projets était un réveil fait maison suspendu au plafond par un câble. Chaque fois que vous poussiez le bouton snooze, le réveil montait plus haut d’un ton railleur jusqu’à ce que vous ne puissiez que vous lever.

D’autres personnes ont vite entendu parler de ces cartes. Et ils en voulaient une. Le premier acheteur fut un ami de Banzi, qui en commanda une. Le projet commençait à décoller mais il manquait un élément majeur : un nom. Une nuit, autour d’un verre au pub local, il vint à eux : Arduino, juste comme le bar — et le roi.

Rapidement, l’histoire d’Arduino se répandit sur la toile, sans marketing ni publicité. Elle attira très tôt l’attention de Tom Igoe, un professeur d’informatique physique au Programme de Télécommunications Interactives de l’Université de New York et aujourd’hui membre de l’équipe centrale d’Arduino. Igoe enseignait à des étudiants non techniciens en utilisant le BASIC Stamp mais fut impressionné par les fonctionnalités d’Arduino :

Ils partaient de l’hypothèse que vous ne connaissiez ni l’électronique, ni la programmation, que vous ne vouliez pas configurer une machine entière juste pour pouvoir programmer une puce — vous n’avez qu’à allumer la carte, appuyer sur upload et ça marche. J’étais aussi impressionné par l’objectif de fixer le prix à 30$, ce qui la rendait accessible. C’était l’un des facteurs clefs pour moi.

De ce point de vue, le succès de l’Arduino doit beaucoup à l’existence préalable de Processing et de Wiring. Ces projets donnèrent à Arduino une de ses forces essentielles : un environnement de programmation convivial. Avant Arduino, coder un microcontrôleur nécessitait une courbe d’apprentissage difficile. Avec Arduino, même ceux sans expérience électronique préalable avaient accès à un monde précédemment impénétrable. Les débutant peuvent à présent construire un prototype qui fonctionne vraiment sans passer par une longue phase d’apprentissage. Le mouvement est puissant, à une époque où la plupart des gadgets les plus populaires fonctionnent comme des “boîtes noires” fermées et protégées par brevet.

robot Arduino

La démocratisation de l’ingénierie

Pour Banzi, c’est peut-être l’impact le plus important d’Arduino : la démocratisation de l’ingénierie :

Il y a cinquante ans, pour faire un logiciel, il fallait du personnel en blouses blanches qui savait tout sur les tubes à vide. Maintenant, même ma mère peut programmer. Nous avons permis à beaucoup de gens de créer eux-mêmes des produits.

Tous les ingénieurs n’aiment pas Arduino. Les plus pointilleux se plaignent de ce que la carte abaisse le niveau créatif et inonde le marché des passionnés avec des produits médiocres. Cependant, Mellis ne voit pas du tout l’invention comme dévaluant le rôle de l’ingénieur :

Il s’agit de fournir une plateforme qui laisse une porte entrouverte aux artistes et aux concepteurs et leur permet de travailler plus facilement avec les ingénieurs en leur communiquant leurs avis et leurs besoins.

Et il ajoute :

Je ne pense pas que cela remplace l’ingénieur ; cela facilite juste la collaboration.

Pour accélérer l’adoption d’Arduino, l’équipe cherche à l’ancrer plus profondément dans le monde de l’éducation, depuis les écoles primaires jusqu’aux universités. Plusieurs d’entre elles, dont Carnegie Mellon et Stanford, utilisent déjà Arduino. Mellis a observé comment les étudiants et les profanes abordaient l’électronique lors d’une série d’ateliers au MIT Media Lab. Il a ainsi invité des groupes de 8 à 10 personnes à l’atelier où le projet à réaliser devait tenir dans une seule journée. Parmi les réalisations, on peut noter des enceintes pour iPod, des radios FM, et une souris d’ordinateur utilisant certains composants similaires à ceux d’Arduino.

Mais diffuser la bonne parole d’Arduino n’est qu’une partie du travail. L’équipe doit aussi répondre aux demandes pour les cartes. En fait, la plateforme Arduino ne se résume plus à un seul type de carte — il y a maintenant toute une famille de cartes. En plus du design originel, appelé Arduino Uno, on trouve parmi les nouveaux modèles une carte bien plus puissante appelée Arduino Mega, une carte compacte, l’Arduino Nano, une carte résistante à l’eau, la LilyPad Arduino, et une carte capable de se connecter au réseau, récemment sortie, l’Arduino Ethernet.

Arduino a aussi créé sa propre industrie artisanale pour l’électronique DIY. Il y a plus de 200 distributeurs de produits Arduino dans le monde, de grandes sociétés comme SparkFun Electronics à Boulder, Colorado mais aussi de plus petites structures répondant aux besoins locaux. Banzi a récemment entendu parler d’un homme au Portugal qui a quitté son travail dans une société de téléphonie pour vendre des produits Arduino depuis chez lui. Le membre de l’équipe Arduino Gianluca Martino, qui supervise la production et la distribution, nous confie qu’ils font des heures supplémentaires pour atteindre les marchés émergents comme la Chine, l’Inde et l’Amérique du Sud. Aujourd’hui, près de 80% du marché de l’Arduino est concentré entre les États-Unis et l’Europe.

Puisque l’équipe ne peut pas se permettre de stocker des centaines de milliers de cartes, ils en produisent entre 100 et 3000 par jour selon la demande dans une usine de fabrication près d’Ivrea. L’équipe a créé un système sur mesure pour tester les broches de chaque carte, comme la Uno, qui comprend 14 broches d’entrée/sortie numériques, 6 broches d’entrée analogiques et 6 autres pour l’alimentation. C’est une bonne assurance qualité quand vous gérez des milliers d’unités par jour. L’Arduino est suffisamment peu chère pour que l’équipe promette de remplacer toute carte qui ne fonctionnerait pas. Martino rapporte que le taux de matériel défectueux est de un pour cent.

L’équipe d’Arduino engrange suffisamment d’argent pour payer deux employés à plein temps et projette de faire connaître de façon plus large la puissance des circuits imprimés. En septembre, à la Maker Faire, un congrès à New York soutenu par le magazine Make, l’équipe a dévoilé sa première carte à processeur 32 bits — une puce ARM — à la place du processeur 8 bits précédent. Cela permettra de répondre à la demande de puissance des périphériques plus évolués. Par exemple, la MakerBot Thing-O-Matic, une imprimante 3D à monter soi-même basée sur Arduino, pourrait bénéficier d’un processeur plus rapide pour accomplir des tâches plus complexes.

Arduino a bénéficié d’un autre coup d’accélérateur cette année quand Google à mis à disposition une carte de développement pour Android basée sur Arduino. Le kit de développement d’accessoires (ADK) d’Android est une plateforme qui permet à un téléphone sous Android d’interagir avec des moteurs, capteurs et autres dispositifs. Vous pouvez concevoir une application Android qui utilise la caméra du téléphone, les capteurs de mouvements, l’écran tactile, et la connexion à Internet pour contrôler un écran ou un robot, par exemple. Les plus enthousiastes disent que cette nouvelle fonctionnalité élargit encore plus les possibilités de projets Arduino.

L’équipe évite cependant de rendre Arduino trop complexe. Selon Mellis :

Le défi est de trouver un moyen de faire en sorte que chacun puisse faire ce qu’il veut avec la plateforme sans la rendre trop complexe pour quelqu’un qui débuterait.

En attendant, ils profitent de leur gloire inattendue. Des fans viennent de loin simplement pour boire au bar d’Ivrea qui a donné son nom au phénomène. ” Les gens vont au bar et disent ‘Nous sommes ici pour l’Arduino !’”, narre Banzi. “Il y a juste un problème“, ajoute-t-il dans un éclat de rire, “les employés du bar ne savent pas ce qu’est Arduino !”

Billet initialement publié sur Framablog sous le titre “Le making-of d’Arduino”

Crédits photos CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale Anthony Mattox, PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification sean_carney, PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales atduskgreg et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales atduskgreg

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L’Afrique, berceau de la bidouille http://owni.fr/2011/10/11/lafrique-berceau-de-la-bidouille/ http://owni.fr/2011/10/11/lafrique-berceau-de-la-bidouille/#comments Tue, 11 Oct 2011 10:28:21 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=82154

[Tous les liens de cet article sont en anglais, sauf mention]

Même pas une dizaine : les hackerspaces, lieux de rencontre pour les hackers, ces gens qui font usage créatif des technologies, sont quasiment absents de l’Afrique. Ils fleurissent pourtant dans le reste du monde, dans les pays occidentaux, mais aussi en Amérique du Sud ou en Asie.

Une situation qui devrait vite évoluer, à en juger par le succès du dernier Maker Faire Africa, qui, sur le modèle de ses cousins occidentaux, a rassemblé la semaine dernière des centaines de makers (« faiseurs », adeptes du Do It Yourself ou DIY, « fais-le toi-même », communauté proche des hackers) de tout le continent au Caire, en Égypte. « Il y a eu un énorme enthousiasme, explique Emeka Okafor, un des organisateurs. Cela seul montre qu’il y a un appétit pour les hackerspaces et les makerspaces. »

Une effervescence qui augure de lendemains qui bricolent sur le continent, tant le terreau est fertile : sous-développement économique oblige, le DIY n’a rien d’une lubie pour geek embourgeoisé, c’est un passage obligé. « Ici en Afrique, les gens inventent vraiment et construisent des choses à partir de rien, analyse Tarek Ahmed, qui vient de créer Cairo Hacker Space. En Europe et aux USA, les hackers ont plus de chance, ils n’ont pas à se soucier de tout un tas de choses. »

Des hackers qui s’ignorent

Plusieurs facteurs expliquent une présence pour l’instant timide.

Hello Sabine I’ve got intermittent Internet.

C’est ce que m’a répondu Emeka à ma demande d’interview par Skype. Le succès du cyberactivisme dans les pays du Maghreb ne doit pas faire oublier la mauvaise qualité de la connexion. En clair, un hackerspace, c’est pour le moment un truc de « riche », en dépit d’atours souvent roots, esthétique du squatt et amour de la réparation : « Les hackerspaces sont un phénomène relativement nouveau qui tend à émerger dans des sociétés assez aisées avec un revenu au-dessus de la moyenne », précise Emeka Okafor.

« La réponse est simple, renchérit Tarek Ahmed, nous ne savons pas ce que c’est ! Et en fait, je trouve ici en Égypte des hackers et des hackerspaces qui ne savent pas qu’ils le sont. »

« Nous cherchons toujours des fonds pour passer les prochaines années, poursuit Bosun Tijani, fondateur du Nigeria HUB – Co-creation Hub. Un hackerspace est difficile à gérer comme une entité purement commerciale, ceuxs que tu trouves en Afrique sont conduites comme des entreprises sociales et non profit. Attirer des fonds est difficile et nécessite une bonne compréhension de sources de financement, et du modèle de l’entreprise sociale, mais les meilleurs cas pratiques surgissent en Afrique. Il y en aura donc de plus en plus. »

« Dans tout endroit où il y a du sous-emploi, les gens pensent peut-être automatiquement que ce sera un challenge de commencer une organisation qui a des dépenses mensuelles fixes (loyer, électricité, Internet) », poursuit Mitch Altman. De fait, il est déjà énergivore, coûteux et parfois stigmatisant de monter un hackerspace dans des démocraties.

Et côté stigmatisation, ce qui est vrai en Europe ou aux États-Unis l’est aussi ici sur ce continent connu pour ses dictatures et régimes autoritaires. « Certainement, quand les gens craignent leur gouvernement, cela rend les gens prudents sur le fait d’être vus comme appartenant à un groupe qui fait ensemble des projets créatifs », avance Mitch Altman. Et ce ne sont pas les petits gars de Telecomix qui diront le contraire : Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Égypte en savent quelque chose.

Que mille hackerspaces fleurissent

L’obstacle économique n’en est pas un pour Mitch Altman : « ce que les gens commencent à réaliser partout dans le monde, c’est que dans les pays pauvres, les dépenses mensuelles sont faibles, et donc commencer un hackerspace est en réalité plus facile dans les zones pauvres. C’est pourquoi en ce moment, il y a un fort intérêt. Depuis que nous avons programmé notre voyage, il y a moins d’un mois, de nombreuses personnes m’ont contacté en disant qu’ils voulaient commencer un hackerspace en Afrique. » Un point de vue que Tarek Ahmed corrobore :

Nous avons plus que tout autre besoin de hackerspaces car c’est parfait pour des pays qui ont des problèmes économiques.

Hackerspaces

Et si les espaces sont faciles à monter, la dynamique devrait s’enclencher : « L‘accès et les espaces collaboratifs communautaires sont la clé pour que les hackerspaces se développent », estime Emeka Okafor. « Face au challenge, des gens créatifs et qui réfléchissent se rapprochent pour accepter le défi, rajoute Mitch Altman. Quand l’opportunité existe de se rassembler dans des communautés qui apportent du soutien, ces gens voient qu’ils peuvent aider, et sont enclins à aider. Les hackers du monde entier, y compris dans des pays où les leaders autoritaires perdent leur capacité à se faire obéir, trouvent des façons de se rassembler pour maintenir la communication quand les chefs coupent les infrastructures. Cette manière de se rassembler tend à consolider la communauté, et ainsi la scène hacker va croître vite dans des pays comme l’Égypte et partout dans ce Printemps arabe. »

Pour un hack pragmatique

Moins exalté, Bosun Tijani, souligne surtout que les hackerspaces où se développent des solutions à des problèmes concrets, quitte à recadrer les rêveurs :

Nous avons beaucoup de hackers ici qui réinventent la roue, notre façon de les encourager consiste à les amener à se centrer sur des problèmes réels et la meilleure façon, c’est de les mettre avec des gens qui comprennent les problèmes réels, c’est notre raison d’être. L’intérêt pour les hackerspaces croîtra en continuant de démontrer le bien qu’ils peuvent apporter à l’Afrique. Nous devons cultiver la culture de l’utilisation des connaissances dans le cadre de problèmes locaux et les hackerspaces encouragent l’application des connaissances et de nouvelles façons de résoudre des problèmes.

Et de citer des projets tels que www.ideas2020.com. Sur cette plate-forme de crowdsourcing, les citoyens déposent leurs idées pour “The Vision: By 2020″, qui entend faire du Nigéria une des vingt puissances mondiales d’ici 2020.

« Pour que les hackerspaces s’enracinent en Afrique, des raisons convaincantes comme l’utilité et la pertinence concrète doivent faire partie de l’équation, leur but en moyenne aura besoin d’être plus pragmatique, poursuit Emeka Okafor. Il y a une chance que les gens que nous voyons à Afrilabs ((un réseau d’incubateurs de technologie) propageront les hackerspaces, à travers leur implication dans le hardware open source. »

L'Egg Bot par Evil Mad Scientist

Un côté pratico-pratique qui explique sans doute que les rares hackerspaces listés sont en fait plutôt des espaces de co-working, en phase avec le monde « réel », entreprise compris, et ne se nomment pas des hackerspaces. C’est le cas du Nigeria HUB – Co-creation Hub.  S’il porte ce nom, ce n’est pas pour éviter de faire fuir les gens avec le terme « hacker », comme l’explique Bosun Tijani :

« Hackerspace désigne plus pour nous un espace pour les geeks et le nôtre porte davantage sur la façon dont les Nigériens peuvent co-créer des solutions aux problèmes sociaux en utilisant la technologie. Donc l’accent est davantage sur les problèmes qui sont abordés, l’intelligence collective des gens, puis la technologie comme un outil. Nous croyons que mettre l’accent sur les problèmes et les besoins nous aidera à créer des outils technologiques qui peuvent servir pour des problèmes réels et aussi promouvoir le pouvoir de la technologie, sinon le hack n’est pas fini. Donc HUB – Co-creation Hub n’est pas uniquement pour les geeks et les ingénieurs mais aussi pour les entrepreneurs, les professeurs, les docteurs, les investisseurs, et toute personne intéressée par la façon dont la technologie peut aider ou fournir des idées sur l’utilisation potentielle pour traiter des problèmes sociaux. »

Pays du Printemps arabe, Kenya, Nigeria…

Outre les pays du Printemps arabe, Emeka Okafor voit aussi un fort potentiel dans des pays d’Afrique subsaharienne, comme le Nigeria, le Kenya, le Ghana, la Côte d’Ivoire et l’Ouganda : « ils sont jeunes, enthousiastes, curieux de technologie et relativement libres. » On parie en particulier sur le Kenya [fr], en plein boom technologique, contrairement à ce que nos clichés d’Occidentaux nous font croire. C’est ici qu’a été développée Ushaidi, plate-forme de suivi de crise.

Emeka Okafor affirme aussi sa foi en l’individu plutôt que dans les gouvernements, « trop lents », ou des individus réunis dans des projets via Kickstarter par exemple. Et lorsqu’il affirme que des gens comme Jean Katambayi Mukendi vont prospérer dans les hackerspaces, on le croit sur parole, d’un œil sur la bio de ce jeune plasticien congolais : « Passionné par la technique, la mécanique, la géométrie, et surtout l’électricité, il réalise ses premiers travaux à partir de l’adolescence et expose dans son pays à partir de 1990. L’électricité se présente comme un axe central, philosophique, technique, politique, illustrant les difficultés que l’Afrique connaît en ordre général. Jean Katambayi réfléchit les problèmes de société à travers cet angle, rappelant que chaque individu manipule régulièrement les dispositifs, non sans danger, pour obtenir lumière, chaleur, télévision, etc. Le rapport étroit de celui-ci avec le système électrique, s’annonce comme l’inverse des pays développés ; un lien plus que direct et néanmoins extrêmement précaire. »

Grâce au réseau mondial, l’aide viendra aussi des pays occidentaux, à l’image de Mitch Altman et Bilal Ghalib (de All Hands Active hackerspace à Ann Arbor, MI), qui ont lancé avec succès une campagne de dons qui leur a permis de venir jouer les Père Noël :

« Nous sommes là pour partager notre longue expérience avec toute personne qui souhaite monter un hackerspace dans sa ville.  Un grand bénéfice de la campagne Kickstarter a été de répandre l’appel. Avant MFA, nous avons organisé deux rencontres sur les hackerspaces, pour préparer les gens à monter et rejoindre un hackerspaces. Et il y en aura deux autres avant que nous partions. J’ai enseigné à environ 300 personnes à souder (moi-même) durant un atelier qui a duré trois jours, avec des kits et des fers à souder achetés avec l’argent des dons.  Le nouveau hackerspace du Caire a assemblé la MakerBot, donnée par MakerBot Industries, ainsi que l’Egg-Bot, donnée par Evil Mad Scientist — et ils ont fait des ateliers d’impression 3D. Minal a donné des ateliers de fabric painting. Bilal a donné plusieurs ateliers Arduino avec des Arduino donnés par un nouveau magasin local d’électronique, Future-Electronics. »

Et on est tenté de donner raison à son enthousiasme à la lecture de ces quelques mots de Tarek Ahmed :

Nos grands-parents ont construit de grandes choses comme les pyramides, puis tout a stoppé. Mais nous ramènerons la grandeur en Égypte.


Photos de Makerfaire Cairo par Mitch Altman [cc-by-sa]
Illustrations officielles du festival disponible sur http://makerfaireafrica.com

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[Dataviz] Dessine-moi un hacker http://owni.fr/2011/08/09/dataviz-infographie-hackerspaces-dessine-moi-un-hacker/ http://owni.fr/2011/08/09/dataviz-infographie-hackerspaces-dessine-moi-un-hacker/#comments Tue, 09 Aug 2011 14:08:15 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=74367 Le cliché représente le hacker comme un jeune nerd blanc planqué derrière son ordinateur, occupé à quelque activité malfaisante du type “pirater la carte bancaire de cette pauvre Mme Michu“. Au mieux, affairé à coder jour et (surtout) nuit, une pizza tiède sur les genoux.

Une image à l’encontre de la diversité des profils que recouvre ce terme. Thésard en sciences de l’information à Tampere, en Finlande et fondateur du hackerspace 5w [fn], Jarkko Moilanen a réalisé une étude [en] pour cerner de façon plus juste cette communauté qu’il définit par le terme “peer-production” (production par les pairs).

La création de hacker/maker-spaces dans de nombreux pays a fourni une infrastructure qui peut être considérée comme un retour au hacking “old school“, où le logiciel n’est pas roi. Cette nouvelle culture “Do it yourself” est multiforme : hackerspace, makerspace, fablabs, 100k garage [en] pour n’en mentionner que quelques-uns. Vous pouvez en lire davantage dans l’article de Troxler [pdf , en].

Après une première étude en 2010, Jarkko a réitéré l’expérience, en la complétant. Les questionnaires ont été envoyés durant la deuxième quinzaine de juin, via des listes de discussion de hackers et hackerspaces, de groupe DIYbio (bio-hackers), afin d’éviter de biaiser les résultats comme cela aurait pu être le cas en passant par des réseaux sociaux, plus ouverts par nature. Il a reçu environ 250 réponses de 87 communautés dans 19 pays, soit un petit cinquième si l’on s’en réfère à la carte collaborative de hackerspace.org, qui en dénombre environ 500, contre 200 retours la première fois. En dépit d’un échantillon faible, les résultats valent la peine d’être observés, en attendant des études à plus vaste échelle. Jarkko exprime sa satisfaction globale :

“Les résultats reflètent les conclusions effectuées par d’autres chercheurs. J’ai reçu un email d’un autre chercheur, qui indiquait que nous avions tous les deux trouvés des résultats similaires en partie. Toutefois, ils doivent être regardés avec précaution et seulement comme préliminaires”.

Google pose question

Les limites principales concernent la forme même du questionnaire, qui en l’occurrence s’est avéré un choix philosophique sujet à caution :

“Comme l’année dernière, l’étude a été menée en utilisant des formulaires Google Docs. Cela a été critiqué et j’admets que la critique est fondée. Faire des études avec des outils que certains hackers considèrent au moins comme « injuste » et propriétaire n’est pas bon. Certains hackers n’ont pas répondu à l’étude pour cette raison. Dans le futur, de telles études devraient être conduites avec d’autres outils, de préférence des solutions open source. “

En outre, Google est difficilement accessible en Chine, entre autres, ce qui fausse les résultats sur l’origine géographique. Autre limite, le choix d’une langue unique, l’anglais, même si a priori, un hacker sait lire et écrire dans la langue de Shakespeare. Les résultats corroborent la carte collaborative des hackerspaces qui montre aussi une forte concentration en Amérique du Nord et en Europe. Ceci dit, les difficultés d’accès au Net dans certains pays valent aussi pour ce travail.

Selon Jarkko, la réception dans le milieu a été bonne : “J’ai eu des retours positifs. Un hacker parisien m’a invité en France pour faire une petite présentation et discuter des résultats. Apparemment, il n’existe pas de grosse résistance contre mes recherches, puisque hackerspaces.org/wiki contient encore des liens vers elles :) Le silence vaut acceptation.”

Voici la synthèse de son travail sous la forme d’un joli poster mitonné par Loguy, notre directeur artistique préféré, que vous pouvez télécharger en .pdf en cliquant dessus. Certains résultats étaient prévisibles, comme l’âge moyen des membres et la forte proportion d’hommes. Un seul est vraiment étonnant : 85% des hackers interrogés sont favorables à ce que les entreprises financent leur communauté sous la forme de dons en équipement, alors qu’a priori on pourrait penser qu’ils éprouveraient de la méfiance envers ces dernières. On notera aussi que les questions de sécurité, centre d’intérêt historique des hackers, n’apparaissent pas dans le trio de tête de leur centres d’intérêt, et c’est un signe des temps.

Infographie sur les hackerspaces

Retrouvez notre dossier sur le Chaos Communication Camp 2011 :

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